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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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CHAPITRE VII*

LES MUSÉES D'ART

LA GALERIE NATIONALE

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PARMI toutes les institutions fédérales dont il est question dans cette section, la Galerie nationale est peut-être celle qui exerce l'attrait le plus général; c'est sûrement celle dont le rayonnement est le plus étendu. Environ soixante-dix mémoires ont traité de l'œuvre accomplie par la Galerie et bon nombre d'entre eux en ont fait une analyse assez poussée. La Galerie y est l'objet de maints éloges et de critiques d'ordre pratique que nous rappellerons plus loin. Nous avons été particulièrement frappés par le caractère très varié des divers groupements qui se sont présentés devant nous pour discourir sur les services qu'offre la Galerie et sur les problèmes qu'elle a à résoudre.

2.   Logée depuis soixante-dix ans dans des locaux provisoires, la Galerie a été fondée en 1880 par le marquis de Lorne, qui fit lui-même le choix des tableaux. Ceux-ci furent confiés à la garde du ministère des Travaux publics. En 1907, un Conseil consultatif des beaux-arts était nommé, d'abord pour gérer les subventions accordées à la Galerie nationale et, en second lieu, pour conseiller le ministre des Travaux publics en ce qui avait trait aux achats d'œuvres d'art et à toute dépense d'ordre artistique — y compris l'édification de monuments à Ottawa ou ailleurs. En 1910, les peintures étaient transportées dans l'aile orientale du Musée Victoria, où elles se trouvent encore aujourd'hui. La Galerie a été constituée en corporation en 1931, par le moyen d'une loi qui la plaçait sous l'autorité d'un Conseil d'administrateurs. Ce Conseil a pour mission, en plus d'administrer la Galerie nationale, de lui donner l'essor voulu, ainsi que de cultiver, parmi les Canadiens, le goût des beaux-arts.

3.    Les diverses fonctions de la Galerie nous ont été exposées en détail dans le mémoire soumis par cette institution elle-même. La Galerie, y lit-on, ne doit pas être appelée à exercer une sorte de tutelle sur d'autres institutions; son rôle consiste plutôt à offrir des conseils concernant l'activité artistique au Canada, ainsi qu'à stimuler et coordonner cette

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activité qui, de l'avis de la Galerie elle-même, est d'autant plus fructueuse qu'elle naît de l'initiative locale. Les relations entre la Galerie nationale et les sociétés pour l'encouragement des arts au Canada, ont toujours été, nous a-t-on dit, particulièrement cordiales et inspirées par le meilleur esprit de collaboration.

4.    Comme l'indique son mémoire, la Galerie a pour principale fonction d'accroître les collections nationales et de veiller à leur entretien. Sa collection d'œuvres canadiennes est la plus complète qui soit, et ses collections d'œuvres européennes, bien qu'incomplètement représentatives, sont considérées comme importantes par des gens qui font autorité en la matière, tant au Canada que dans les autres pays. On lui demande de temps à autre de prêter telle ou telle toile afin de l'exposer à l'étranger. Chacune de ces demandes est sérieusement étudiée, en tenant compte de l'importance de l'événement, du prestige et des conditions matérielles de l'institution qui recevra le tableau, et aussi des conditions de transport. De tels prêts mettent en évidence, à l'extérieur, la valeur des collections de la Galerie nationale, font mieux connaître ses trésors et permettent aux spécialistes de les étudier. Des musées des États-Unis et de Grande-Bretagne ont emprunté à la Galerie nationale certaines toiles de sa collection européenne. En 1949, par exemple, on demandait à la Galerie d'expédier un Botticelli à Florence en vue d'une exposition spéciale.

5.    La Galerie remplit un deuxième rôle important, qui consiste à prendre les dispositions nécessaires en vue de l'exposition, dans les divers musées du pays, d'œuvres reçues de l'étranger ou tirées de ses propres collections. Au cours du dernier quart de siècle, on a exposé au Canada des tableaux d'une vingtaine de pays, notamment de Grande-Bretagne, de France, des États-Unis, d'Australie, d'Allemagne, de Pologne et de Suède. En outre, la Galerie accorde son patronage à des expositions de peintures canadiennes dont le nombre est passé de 31 en 1928-1929 à 200 en 1947-1948. Ces expositions sont parfois organisées par les sociétés d'artistes établies en vertu de chartes, comme la Royal Academy of the Arts, le Canadian Group of Painters, ou la Canadian Society of Painters in Water Colour. La Galerie a organisé de temps à autre des rétrospectives d'artistes canadiens, notamment de Morrice, d'Emily Carr et de Pegi Nicol.

6.    Toutefois, outre celui des frais, deux facteurs importants militent contre la multiplication des prêts de tableaux aux fins d'exposition. Il y a d'abord la pénurie, dans les autres villes canadiennes, d'immeubles réfractaires au feu où exposer ces œuvres, et la rareté, dans les galeries locales, de personnel expérimenté qui puisse s'occuper convenablement du désemballage, de l'exposition et du remballage des tableaux. Au Canada, six galeries locales tout au plus satisfont absolument à ces exigences.


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7.    La Galerie a une autre fonction importante à remplir, celle de collaborer à l'éducation du public. En 1922, le directeur actuel, au cours d'un voyage dans l'Ouest canadien, s'est rendu compte de la nécessité de publier des reproductions de tableaux canadiens. Un an ou deux plus tard était lancée une série de reproductions, grand format et format carte postale. Ces reproductions, qu'on distribua aux écoles, s'accompagnaient de feuillets explicatifs préparés par un spécialiste de l'enseignement des beaux-arts. Ce programme d'éducation a pris de l'ampleur à l'avènement de la radio, qui a permis de diffuser, au réseau national, des émissions émanant de la Galerie même. La Galerie nationale a aussi participé activement à la production de films inspirés par les œuvres de peintres canadiens. Elle a invité des conférenciers étrangers à venir au Canada. Les fonctionnaires de la Galerie nationale estiment que la réalisation, aux frais de l'État, d'émissions radiophoniques et de films relatifs aux beaux-arts est une des fonctions légitimes et essentielles de la Galerie. Celle-ci a commencé, au cours de la guerre, à produire de grandes sérigraphies. Elle a exposé ces reproductions dans toutes les régions du pays et dans plusieurs villes étrangères. C'est avec intérêt que nous avons entendu quelqu'un, en Colombie-Britannique, exprimer le vœu d'en voir installées dans les bureaux de poste ruraux afin de répandre parmi les habitants de toutes les parties du pays la connaissance des peintres canadiens.

8.    La Galerie nationale s'occupe aussi d'expédier des collections de peintures canadiennes pour exposition à l'étranger. Ce genre d'activité remonte à 1924, alors que la Galerie se vit confier la section canadienne des beaux-arts, à l'Exposition de l'Empire britannique tenue à Londres. Cette manifestation suscita beaucoup d'intérêt envers l'art canadien et elle a été suivie d'une série d'expositions d'œuvres canadiennes en diverses parties du monde, toujours organisées par les soins de la Galerie. Mentionnons la première exposition de peintures canadiennes tenue sur le continent européen, à Paris en 1927; ce fut ensuite le tour de l'Argentine, de l'Afrique du Sud, de l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cette série se termina, avant la dernière guerre, par l'exposition dite un Siècle de peinture canadienne à la Tate Gallery de Londres, en 1938. Depuis la guerre, d'autres expositions importantes ont eu lieu à l'étranger, notamment celle, fort appréciée et très représentative, tenue récemment à Washington.

9.    La Galerie nationale déclare qu'il lui sera très difficile de maintenir des services qu'elle considère déjà trop restreints, si l'on ne satisfait à certains de ses besoins immédiats. Elle réclame tout d'abord un redressement de la situation anormale que lui impose son rattachement au ministère des Travaux publics; elle voudrait constituer un service distinct relevant d'un conseil d'administration et jouissant d'un statut semblable à celui des Archives nationales. Elle voudrait aussi que les

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fonctions de l'ancien Conseil consultatif des arts fussent, dans l'ensemble, rétablies et confiées à son conseil administration. On croit important qu'une autorité compétente soit chargée de conseiller le Gouvernement sur toute question qui, dans le domaine des beaux-arts, engage directement l'intérêt public.

10.    Deuxième besoin pressant, toujours d'après le même mémoire : un nouvel immeuble. L'immeuble actuel est mal situé, piètrement aménagé et pauvrement éclairé; le personnel n'y dispose pas de moyens d'action convenables; il y a encombrement et les cloisons provisoires, de même que les matériaux facilement inflammables utilisés dans l'atelier du sous-sol, constituent un danger grave d'incendie. La très vaste collection de tableaux historiques des première et seconde guerres mondiales reste, pour la plus grande part, en entrepôt. La nouvelle Galerie devrait disposer d'un espace suffisant pour l'exposition de tableaux, de gravures, de dessins, de sculptures et d'œuvres prêtées; elle devrait avoir une section de documentation, une bibliothèque et une salle de lecture, des bureaux satisfaisants et un appareil de climatisation. Un atelier de photographie et un laboratoire pour l'examen et la réparation des œuvres d'art sont également nécessaires. Le laboratoire actuel, tout à fait insuffisant, est pourtant à la disposition de toutes les galeries publiques du Canada.

11.    Il importe aussi d'accroître considérablement et sans retard le personnel, car, étant données la somme et la variété des tâches actuelles, le directeur et ses trois adjoints spécialisés ne peuvent aucunement suffire à la besogne. Les chiffres ci-dessous (1) permettent de comparer le personnel actuel de la Galerie nationale avec celui de certaines galeries américaines qui, bien que n'otées peut-être de plus vastes collections, dont évidemment pas les mêmes responsabilités nationales :

Personnel spécialisé

Philadelphia Museum of Art
Cleveland Museum of Art
Museum of Fine Arts, Boston
Worcester Art Museum
Toledo Museum of Art
Art Institute of Chicago
Galerie nationale du Canada
——
——
——
——
——
——
——
46
45
43
33
32
26
4

Le personnel de la Galerie nationale, nous a-t-on affirmé, devrait être au moins doublé immédiatement.

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12.   On signale, de plus, un pressant besoin de crédits plus considérables qui permettraient d'augmenter le personnel et les achats d'œuvres d'art. Une autre comparaison avec les galeries américaines montre combien sont modestes les sommes dépensées par la Galerie nationale du Canada : (2)

Caisse d'achats Dépenses totales
Boston Museum of Fine Arts $ 317,498 $ 955,963
Toledo Museum of Art    328,447    656,894
Cleveland Museum of Art    157,305    493,754
Philadelphia Museum of Art Non publié    798,094
Galerie nationale du Canada
(moyenne de 10 années)    32,000      90,000
(crédits pour 1950-51)    75,000    260,770(3)

Au cours des dix années antérieures à 1950, la Galerie nationale a coûté, annuellement, moins de 1 c. par habitant. Les chiffres correspondants, au Royaume-Uni et aux États-Unis, seraient au moins trois ou quatre fois plus élevés.

13.   On nous a communiqué une foule de renseignements intéressants au sujet de la section du dessin industriel de la Galerie nationale, entreprise récente mais qui a déjà reçu beaucoup d'appui et d'encouragement. Dans plusieurs pays occidentaux, des organismes gouvernementaux, des industriels et d'autres personnes intéressées ont aussi cherché, par des efforts sérieux et concertés, à améliorer le dessin industriel. On nous a exposé l'expérience bien connue de la Suède en ce domaine, ainsi que les réalisations plus récentes de l'Angleterre et des États-Unis.

14.   Au Canada, les dessinateurs industriels sont peu nombreux et ce n'est que depuis la dernière guerre qu'on y a reconnu officiellement l'importance du dessin industriel. En 1946, le ministère de la Reconstruction et le Conseil national de recherches ont collaboré avec la Galerie nationale et l'Office national du film à l'organisation d'une exposition de nature à éveiller l'intérêt à cet égard. Une fois mise au point, la collection a d'abord été exposée au congrès de l'Association des manufacturiers canadiens et, plus tard, dans toutes les régions du pays.

15.    Par suite de l'intérêt manifesté par les industriels et d'autres personnes, on créait en 1947, sous l'égide de la Galerie nationale, une section de caractère modeste qui avait pour fonctions d'étudier les problèmes que pose le dessin industriel, d'établir la liste de tous les travaux nettements canadiens et de répondre aux nombreuses demandes de renseignements. L'année suivante, les difficultés que suscitait la situation du change


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américain, provoquèrent une augmentation dans la demande des pièces et des produits fabriqués et dessinés au Canada. En partie pour répondre à ce besoin, on constitua une Commission consultative composée d'une trentaine d'industriels, de dessinateurs et de représentants d'universités qui, depuis, tient plusieurs réunions chaque année en vue de donner des avis à la Section du dessin industriel, de coordonner les efforts tendant à l'amélioration de ce dessin au Canada, d'éveiller l'intérêt du public par le moyen d'expositions et d'assurer aux dessinateurs, grâce à l'octroi de bourses, la formation dont ils ont besoin.

16.    À l'heure actuelle, il faut à la Section du dessin industriel des locaux plus vastes pour ses travaux et ses expositions. Des dispositions sont en cours, paraît-il, afin de faire droit à cette demande. On nous a rappelé plus d'une fois l'importance d'un bon dessin industriel considéré comme moyen de rehausser le niveau du goût dans le public. Aux États-Unis, comme chez nous, les musées d'art ont pris leur part de responsabilité dans cette forme d'éducation générale.

17.    Jusqu'ici, nous avons exposé l'activité de la Galerie nationale en termes généraux parce que, comme l'indiquent les pages qui précèdent, une bonne partie de son travail le plus important s'accomplit en dehors de son siège, loin d'Ottawa. Nous avons déjà noté que cette institution nationale avait pour fonction, dès son origine, de stimuler l'intérêt de la population à l'endroit des beaux-arts. Elle doit donc agir, non seulement à Ottawa mais dans tout le pays. Pour avoir une vue d'ensemble de son travail, il faut laisser la capitale et jeter maintenant un coup d'œil sur les galeries régionales des provinces.

LES GALERIES RÉGIONALES

18.    Au Canada, les galeries régionales, bien qu'exposées à des problèmes ardus et parfois déconcertants, présentent dans l'ensemble un tableau réconfortant. Tout comme la Galerie nationale est l'institution fédérale à laquelle les sociétés bénévoles s'intéressent le plus, de même la galerie régionale reçoit en maints endroits l'appui le plus chaleureux. Il y a plusieurs motifs à cet intérêt particulier. La peinture est l'un des arts dans lesquels les Canadiens se sont acquis une certaine réputation même à l'étranger. Dans ce pays même, d'autre part, la peinture d'amateur inspire un enthousiasme croissant et généralisé. En outre, les galeries régionales ont eu la bonne fortune, aussi bien de maintenir des relations avec l'Institution nationale que d'en recevoir des services, comme aussi de collaborer entre elles. La lecture des mémoires et du compte rendu des témoignages révèle de la part des galeries régionales non pas une suffisance satisfaite, mais un sens critique et réfléchi de leurs propres réalisations et de l'appui que la Galerie nationale peut leur donner.

19.    Nous avons entendu les exposés de neuf galeries en tout, notamment de toutes les galeries de « Catégorie A » sauf une seule, c'est-à-dire


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celles qui possèdent des bâtiments suffisamment réfractaires au feu et que la Galerie nationale juge appropriées et sûres pour les expositions de grande valeur. Nous avons reçu également le témoignage de neuf autres centres réguliers d'expositions, ainsi que de neuf groupes de peintres qui tiennent des expositions lorsque l'occasion s'en présente. Nous avons de la sorte appris à connaître les projets et les difficultés d'institutions très diverses, allant du grand musée métropolitain jusqu'au groupe local qui tient son exposition annuelle d'amateurs dans le sous-sol du poste de pompiers.

20.    Il n'est guère besoin, toutefois, de mentionner qu'il n'existe au Canada aucune galerie comparable aux institutions riches et bien installées des États-Unis et d'outre-mer. Toutes les galeries du Canada se jugent pauvres. Mais, même avec leurs ressources limitées, elles s'efforcent de s'acquitter de toutes les fonctions habituelles de ces institutions et de tirer tout le parti possible de ce qu'elles possèdent. Elles enrichissent leurs collections avec soin et économie. Les galeries pauvres, nous a-t-on dit, ne peuvent acheter sur le marché fashionable [sic]; mais elles doivent chercher à se procurer des œuvres de valeur quand ces œuvres sont encore à bon marché. On s'intéresse beaucoup aux méthodes de disposition et d'étalage, conçues de façon à répondre aux exigences et du public et des étudiants. L'Art Gallery de Toronto se prononce en faveur de petites expositions permanentes, souples et spécialement aménagées pour satisfaire aux besoins des étudiants.

21.   On accorde beaucoup d'attention aux expositions ambulantes qui, il va sans dire, ont un intérêt tout particulier pour les petites galeries. Toutes celles qui nous ont présenté leurs vues reçoivent des expositions de diverses sources par l'intermédiaire de la Galerie nationale ou directement, soit de l'étranger, soit de différentes parties du Canada. Toutes les galeries, quelle qu'en soit l'importance, peuvent évidemment accueillir les expositions d'intérêt local, de peintres professionnels ou amateurs, surtout de ces derniers. Les grandes galeries, bien qu'elles ne comptent souvent que sur un appui d'ordre local, consacrent beaucoup de temps et d'énergie à l'organisation de séries régulières d'expositions dans les galeries moins importantes de leurs régions. L'Art Gallery de Toronto offre chaque année à diverses institutions un certain nombre d'expositions ambulantes, composées surtout de panneaux photographiques ou de reproductions, et même de quelques oeuvres originales. Depuis sept ans, l'Art Museum de London maintient un circuit régulier dans neuf villes de l'ouest de l'Ontario; parfois, des conférenciers accompagnent les expositions. Ce musée a dû refuser à d'autres villes l'admission à ce circuit; mais certaines expositions sont sorties de la course régulière, se rendant même jusque dans l'île du Prince-Édouard. La galerie de London aimerait à étendre ce service, auquel on doit maintenant une centaine de manifestations par année, si ses ressources le lui permettaient.



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22.    Les musées d'une région donnée peuvent également établir des circuits en coopération. Dans l'Ouest, trois galeries de « Catégorie A », se joignent à onze petites galeries pour former le Western Canada Art Circuit, créé en 1944 afin de faciliter l'échange et la circulation d'expositions parmi ses membres. Elles décident des expositions et dressent l'itinéraire au cours d'une conférence annuelle. Récemment, elles ont résolu d'exiger un versement nominal de chaque centre pour toute exposition, mais la plus grande partie du travail est accomplie avec difficulté par des gens dévoués et durant les « loisirs » du directeur, qui cumule cette fonction avec la direction de l'Art Centre de Calgary. Ces services stimulent et alimentent les petits centres isolés. N'était le Western Art Circuit, nous a-t-on dit, il n'existerait pas plus de quatre ou cinq galeries dans l'Ouest canadien.

23.    Les galeries régionales et la Galerie nationale ont leurs contacts les plus familiers et leur collaboration la plus fructueuse à l'occasion de l'organisation des expositions ambulantes. Bien que les galeries régionales ne soient pas dans la dépendance absolue de la Galerie nationale pour leurs expositions, elles font usage de ses ressources dans une mesure considérable. D'autre part, sans les locaux des galeries régionales et sans les services de leur personnel, la Galerie nationale se verrait dans l'impossibilité de mettre des expositions ambulantes à la disposition du peuple canadien, ce qui est, nous l'avons vu, une de ses principales fonctions. Partout, au Canada, nous avons constaté qu'on apprécie hautement les expositions de la Galerie nationale. Ces expressions de gratitude s'accompagnaient souvent de suggestions utiles et d'ordre pratique.

24.    À propos des expositions ambulantes, une quarantaine de groupes de toutes les parties du Canada nous ont exposé leurs difficultés et leurs besoins. On doit se rappeler que si les expositions sont importantes pour toutes les galeries, elles sont essentielles pour les moins considérables d'entre elles. C'est en effet grâce aux expositions que ces petites galeries éveillent l'intérêt du publie et en obtiennent de l'appui. Plusieurs représentations nous ont été faites à l'effet que la Galerie nationale devrait faire circuler un plus grand nombre de collections et des collections de meilleure qualité. Entre autres choses, on nous a signalé que la peinture canadienne devrait être mieux représentée. Les galeries régionales nous ont aussi décrit les difficultés auxquelles elles ont à faire face. Par suite de l'insuffisance non seulement de locaux mais aussi de moyens de désemballage et de remballage, et même de personnel expérimenté, certaines expositions locales ne s'organisent dans ces galeries qu'au prix de grands sacrifices de temps et d'énergie de la part de personnes fort occupées par ailleurs.

25.    Les fonctionnaires de la Galerie nationale nous ont semblé parfaitement au courant de ces difficultés. La Galerie partage entièrement l'opinion des institutions régionales qui ont prétendu qu'elle existait

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pour servir la nation tout entière et non pas seulement la capitale. Comme nous l'avons déjà dit, la Galerie a poursuivi pendant plusieurs années, une pratique généreuse, peut-être même un peu téméraire, en matière d'expositions ambulantes, et elle n'a cessé de considérer cette pratique comme l'une de ses plus importantes fonctions. Une proportion considérable de ses dépenses, mis à part les achats d'oeuvres art, est appliquée aux services qu'elle fournit aux différentes parties du pays.

26.   La Galerie ayant la charge des peintures qui appartiennent à la nation, elle doit s'assurer, comme on nous l'a fait remarquer, que celles-ci ne sont pas exposées à des risques inadmissibles, soit au cours de manipulations négligentes soit à cause des dangers qui menacent les lieux où elles sont montrées. On l'a indiqué plus haut, la Galerie manque d'espace et de personnel : ce qui a grandement nui à son développement. Les représentants des institutions régionales ont attiré notre attention sur la nécessité d'établir des contacts personnels entre eux et les fonctionnaires de la Galerie nationale. La nomination de directeurs régionaux servirait bien de telles fins. L'augmentation du personnel de la Galerie favoriserait aussi des relations plus étroites entre la Galerie et les musées régionaux au plus grand profit de la tâche commune à laquelle ces institutions coopèrent.

27.    Les organisations qui ont comparu devant nous pour traiter ces sujets tiendraient sans doute à ce que nous rappelions que leurs critiques ne s'inspiraient pas d'un manque d'appréciation à l'égard des expositions reçues. La citation qui suit, et que nous tirons du mémoire de la Royal Canadian Academy of the Arts, rallierait l'assentiment général, nous semble-t-il :

« L'Académie tient à féliciter les administrateurs de la Galerie nationale, le directeur et ses adjoints, de leur administration habile et énergique. On sait fort bien qu'ils remplissent leur mission dans des circonstances très gênantes, ne disposant ni de locaux à eux ni de moyens suffisants d'aucune sorte. Avec une allocation de subsistance des plus réduite, ils s'efforcent de satisfaire aux exigences culturelles toujours croissantes d'un Etat moderne. Bien que le Canada occupe maintenant le troisième rang parmi les nations commerçantes, sa Galerie nationale fonctionne encore avec un budget qui conviendrait plutôt à un Etat moins avancé, et d'une façon qui ne correspond aucunement à ses responsabilités d'ordre national » (4).

28.    Les galeries régionales se livrent à une autre activité qu'elles estiment importante et pour laquelle elles recevraient bien volontiers l'aide et la collaboration de la Galerie nationale, et c'est l'enseignement régulier en matière d'art qu'elles dispensent aux enfants et à d'autres personnes de tout âge, c'est aussi le stimulant qu'elles procurent à l'effort amateur sous toutes ses formes. Règle générale, le musée a pour tâche,

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non pas tant de susciter l'intérêt, que de répondre à des besoins pressants. Nous avons appris avec gratitude que la Carnegie Corporation de New-York a versé à des galeries de Montréal, Toronto, Winnipeg, et Vancouver, et à la Galerie nationale du Canada, des subventions généreuses pour leur permettre de réaliser des programmes éducatifs dans leurs locaux. Ces fonds sont maintenant épuisés mais, autant que possible, le travail se poursuit grâce à des appuis d'origine locale. Le Museum of Fine Arts de Montréal, en particulier, maintient une École régulière de peinture et de dessin, qui offre un cours de trois ans et rend de multiples services à près de 500 étudiants. C'est là, évidemment, une entreprise spéciale, mais qui est un bel exemple de la responsabilité que les musées, en général, croient devoir assumer quant à l'éducation du public. Un enseignement moins systématique est aussi offert au public sous les formes les plus variées: on prête des tableaux, on fournit des expositions à des écoles et à d'autres institutions, on donne des conférences dans les musées eux-mêmes, on loue des pièces, etc.

29.    Diverses idées nous ont été exposées sur la façon dont la Galerie nationale pourrait contribuer à ce travail éducatif. En général, on a exprimé l'avis que les expositions devraient être accompagnées de conférenciers expérimentés. Dix groupes de diverses parties du pays ont demandé des conférenciers qui disposeraient de tableaux ou simplement de diapositives en couleurs (6). À défaut de quoi, ile [sic] réclamaient des publications appropriées. Un certain nombre d'organisations ont mentionné avec enthousiasme l'excellente revue Canadian Art, lancée par la Galerie en 1942 (7). Parmi les autres services éducatifs qui ont été proposés, mentionnons des reproductions de tableaux plus nombreuses et de meilleure qualité, une revue artistique de genre plus populaire, une meilleure publicité autour des bibliothèques d'art disponibles, un catalogue général de toutes les collections publiques et privées du Canada auxquelles il est possible d'emprunter, une photothèque et une cinémathèque représentant toutes les richesses de la Galerie et dont on tirerait des copies, un mode de prêts de diapositives en couleur accompagnées de textes descriptifs pour les écoles, une série d'émissions radiophoniques de haute qualité. Le mémoire de l'Art Gallery de Toronto expose en détail les fonctions d'un musée en ce qui concerne les tournées de conférences, les cours d'éducation populaire, les émissions radiophoniques et autres moyens de cultiver le public.

30.   On a examiné minutieusement un problème qui se pose dans tout le pays, et qui consiste à trouver et garder un personnel expérimenté. Cette question touche de près au travail quotidien de la galerie locale et à ses relations avec la Galerie nationale. On nous a exposé plusieurs idées intéressantes sur la façon dont il y aurait lieu d'utiliser plus efficacement les ressources de la Galerie nationale, avec la collaboration


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d'autres grands musées d'art, en vue de la formation de conservateurs. On a aussi examiné la possibilité de bourses en vue d'études à l'étranger. Le besoin urgent, dans les petits centres, de personnes possédant un minimum de formation, nous a été signalé à maintes reprises, et l'on a exprimé l'avis que la Galerie nationale pourrait offrir des cours abrégés à l'usage immédiat d'instructeurs bénévoles, dont certains pourraient par la suite devenir professionnels. Enfin, on a proposé que la Galerie nationale organise un congrès annuel d'une semaine ou deux, à l'intention des directeurs et conservateurs de musées, en vue d'un échange de connaissances et de points de vue.

 31.    Une autre question importante a retenu l'attention de plusieurs associations : les rapports entre la Galerie et les artistes contemporains (8). On a signalé que les artistes canadiens doivent compter davantage sur les galeries publiques et moins sur les galeries privées que leurs collègues des États-Unis. L'augmentation des achats d'oeuvres contemporaines par la Galerie nationale offrirait une solution. On a également proposé des expositions annuelles de ces oeuvres, organisées par l'État et dotées de prix en espèces, ainsi que l'exposition subséquente des oeuvres primées, d'abord à la Galerie et ensuite dans tout le pays. La Federation of Canadian Artists aimerait que l'on fonde, à la Galerie nationale, une commission chargée de favoriser la vente de peintures canadiennes. Deux organisations ont proposé l'adoption d'un tarif de location des tableaux. Enfin, tenant pour acquis que le Conseil d'administration de la Galerie nationale reprendrait les anciennes fonctions du Conseil consultatif des beaux-arts, deux groupes d'artistes dont l'activité s'étend à tout le pays ont proposé que soit consacré à des sculptures ou à des fresques un p. 100 du coût de construction de tous les édifices fédéraux, projet dont la surveillance serait confiée, avons-nous compris, à la Galerie nationale.

32.    Il faut mentionner ici une dernière question qu'ont examinée plusieurs groupes régionaux s'intéressant aux beaux-arts, et qui provoquerait, dans la politique qui régit la Galerie, un changement important au sujet duquel il y a désaccord marqué. Certains groupes expriment l'avis que, pour donner à la Galerie un caractère vraiment national, il faudrait la décentraliser. Huit groupements ou particuliers prônent l'établissement par tout le pays de succursales ou de galeries affiliées, au moins une par province, de l'avis de certains (9). On n'explique pas toujours avec clarté quelles devraient être exactement les relations entre ces succursales et l'organisme central. Un groupe semble tenir pour acquis que les succursales devraient appartenir au gouvernement fédéral. Un autre propose que le gouvernement fédéral fournisse un adjoint au conservateur local. La plupart paraissent songer à un musée maintenu grâce à des fonds locaux, mais recevant de la Galerie nationale des

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tableaux prêtés en permanence. On prétend que ces dispositions encourageraient les musées de toutes les parties du pays à améliorer leurs conditions de logement et d'administration.

33.    Un groupe s'oppose nettement à ce plan, s'élevant contre toute dispersion de la collection nationale. D'autres, sans aller jusqu'à proposer l'établissement de succursales, prônent des prêts semi-permanents et généreux ou, à leur défaut, la mise en circulation constante d'une collection importante de la Galerie, qui séjournerait, mettons, une année dans chaque musée de Catégorie A (10).

34.    En thèse générale, il est probablement exact de dire que la plupart des organisations seraient satisfaites de mesures tendant à assurer les fonds nécessaires à l'exécution d'un plus vaste programme d'expositions. Cinq organisations d'envergure nationale, aux préoccupations fort diverses (dont une seulement a quelque rapport, et indirectement, avec les beaux-arts), se sont prononcées en faveur d'expositions parcourant tout le pays, aux frais de la nation si nécessaire (11). On nous a expliqué dans le détail plusieurs propositions visant à accroître le nombre des expositions de la Galerie nationale et à assurer les moyens de les faire circuler dans les petites localités. Un groupe possédant une salle petite mais réfractaire au feu a souligné l'importance qu'il y a d'offrir des collections modestes aux endroits qui ne disposent que d'un espace restreint. Songeant aux besoins des régions rurales, on a exprimé l'avis qu'il serait possible d'y satisfaire au moyen d'expositions de reproductions et de photographies, peut-être par l'entremise d'organisations rurales telles que la Fédération des agriculteurs canadiens, les cercles de fermières et les Women's Institutes of Canada.

35.    Durant tout le cours de nos relations avec les galeries régionales, nous avons été frappés de l'enthousiasme avec lequel elles fonctionnent en dépit de conditions très difficiles, ainsi que de leur détermination d'accroître et d'étendre leur activité. Nombre de leurs observations ayant trait à la Galerie nationale indiquaient nettement la conviction que cette importante institution nationale pouvait beaucoup les aider, ainsi que leur détermination d'en exploiter à plein les ressources. Les nombreuses et utiles propositions et critiques qu'on nous a présentées sont l'indice du grand intérêt que l'effort conjoint de la Galerie nationale et des galeries régionales a suscité à l'endroit de la peinture et des arts qui lui sont apparentés.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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