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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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CHAPITRE VI*

LES SOCIÉTÉS BÉNÉVOLES

La Commission enquêtera et présentera des conclusions sur... « les relations du gouvernement canadien et de l'un ou l'autre de ses organismes avec les divers groupements bénévoles d'envergure nationale qui intéressent la présente enquête ».

Décret du Conseil no 1786

LES GROUPES BÉNÉVOLES AU CANADA

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DANS l'histoire des temps modernes, la société bénévole a joué un rôle important, depuis les sectes religieuses et les salons du dix-septième siècle en passant par les cercles politiques de l'époque de la Révolution, jusqu'aux innombrables organismes constitués au dix-neuvième siècle en vue de favoriser, d'empêcher, de généraliser ou d'encourager la poursuite des buts les plus divers. Pour notre époque, qui sait par expérience que toute dictature commence d'abord par la suppression des sociétés bénévoles, il n'est pas nécessaire d'insister longuement sur 1'importance de celles-ci dans le cadre démocratique. Cependant, on ne sait peut-être pas toujours jusqu'à quel point leur activité peut compter dans la vie quotidienne des nations libres. Les Canadiens de langue anglaise estiment sans doute avec raison que cette tradition bienfaisante de la société bénévole, qui joue dans la vie de la nation un rôle important et parallèle à l'activité de l'État, représente leur apport original à notre civilisation commune. Toutefois, cette prétention n'est que partiellement juste puisque la France possède elle aussi depuis longtemps des groupements de ce genre; mais dans un État dont l'organisation politique est plus centralisée, il est inévitable que les fonctions des groupements bénévoles soient moins étendues.

2.    La vigueur de cette tradition dans notre pays est impressionnante. De nombreux mémoires et bien d'autres sources d'information nous ont permis de nous rendre compte du grand nombre et de la diversité d'intérêts des sociétés bénévoles au Canada. Celles qui ont comparu devant nous ne désiraient pas seulement exposer leurs besoins. Elles avaient de précieux renseignements et d'importants avis à nous offrir. L'exposé qu'elles nous ont fait de leur travail nous a permis de mieux comprendre le rôle de la société bénévole dans la vie nationale, il nous a

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éclairé sur la part qu'elle y prend et sur ses problèmes particuliers. Il existe une volonté indéfectible de sauvegarder le principe de participation volontaire sur lequel repose le groupe bénévole. Et l'on nous a exposé de façon fort intelligente les moyens par lesquels les organismes d'État dont nous avons à nous occuper peuvent aider les sociétés bénévoles à atteindre leurs buts sans contrevenir à leur liberté d'action.

3.    Nous avons appris avec intérêt que certaines des sociétés qui ont comparu devant la Commission avaient de longs et honorables antécédents. La première place, exception faite des groupes religieux, revient à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal fondée en 1834 dans l'intérêt des Canadiens de langue française. L'institut canadien de Québec remonte à 1842, le Royal Canadian Institute, à 1849, la Royal Canadian Academy of Arts, à 1880, la Société Royale du Canada, à 1882, les Federated Women's Institutes of Canada, à 1897 et l'I.O.D.E., à 1900.

4.    Depuis le début du vingtième siècle, d'autres sociétés ont surgi dont le nombre et la variété s'accroissent constamment. (C'est au cours de la rédaction du présent chapitre que nous avons appris la formation de la plus récente, c'est-à-dire la Humanities Association of Canada.) Quel que soit l'objet de leur activité, qui va de l'artisanat aux mathématiques spéciales, elles sont soutenues par l'enthousiasme et la ténacité de leurs adeptes. Sur un littoral, certains préconisaient pour le Canada un Collège héraldique, tandis que, sur l'autre, nous nous sommes laissé dire qu'à la longue le jeu d'échecs remplacerait notre sport national, le hockey. Peut-être n'avons-nous pas été entièrement convaincus, mais il nous a plu de rencontrer des gens qui se consacrent à un but donné avec tant d'énergie et même avec un enthousiasme rassurant dans un pays où les circonstances ont développé à l'excès le conformisme.

INFLUENCES HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES

5.    Ce qui nous a frappés d'abord dans notre examen des sociétés bénévoles, c'est la manière dont elles savent appliquer les méthodes générales de la démocratie, les adaptant aux circonstances propres au Canada. Bon nombre de groupes ethniques conservent leurs traditions originelles qu'ils incorporent adroitement dans le cadre canadien, notamment, bien entendu les anciens groupes français ainsi que les disciples de saint Georges, de saint André, saint Patrice et saint David. Mais ce traditionalisme de bon aloi ne se rencontre pas uniquement dans les groupes venant d'outre-mer. Ainsi, il existe partout au Canada, sauf dans les provinces mêmes de la côte atlantique, des associations de Canadiens nés dans les Maritimes, tandis que des groupements francophones, tels les clubs de la Société Richelieu, fleurissent dans les milieux anglophones et inversement. De par leur existence, ces groupements témoignent de la diversité qui règne au sein de notre unité.

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6.    La caractéristique la plus frappante de nos sociétés bénévoles, c'est toutefois la façon dont elles ont immédiatement saisi et tenté de résoudre le double problème indiqué au chapitre précédent, c'est-à-dire celui que posent les régions à population clairsemée, et qui sont séparées les unes des autres par de grandes distances. Ce qui étonne chez les sociétés canadiennes, et certes il y a lieu de le souligner, c'est non pas qu'elles soient en proie à des difficultés mais tout simplement qu'elles fonctionnent. On peut donc dire d'elles qu'elles ont su envisager leurs difficultés avec un esprit d'initiative et de détermination.

7.    Les problèmes de distance n'influent pas directement sur la société d'importance purement locale. D'innombrables groupes qui se consacrent plus ou moins sérieusement aux beaux-arts (peinture, musique, théâtre, photographie, artisanat), ou à des travaux intellectuels, nous ont présenté des mémoires. Offrant la plus grande diversité de talents et de préoccupations, qu'il s'agisse d'un orchestre symphonique ou d'un petit cercle d'écrivains d'avant-garde, ils ajoutent, à leur façon, à l'agrément et au bien-être de leur entourage immédiat.

8.    Leur isolement, toutefois, nuit à ces sociétés. Les avantages et le plaisir que leur donnerait le contact avec l'extérieur leur manquent grandement. Souvent, les cercles régionaux intéressés au théâtre, à la musique ou à la peinture éprouvent la sensation de travailler dans la solitude : leur affiliation ou celle de leurs professionnels aux sociétés d'ordre national ne remédie que partiellement à cette lacune. Voilà un état de choses que tous les groupements ont déploré et que l'Ontario Historical Society a plus particulièrement souligné. Bien qu'elle s'en tienne à l'histoire régionale, cette société souffre de se voir privée d'échanges intellectuels avec les associations qui se livrent ailleurs à des travaux analogues.

9.    L'insuffisance de la population est un autre problème propre à la société locale. Même les grands centres ne comptent qu'un nombre restreint de personnes compétentes qui consacrent volontiers leur temps et leur argent à l'avancement des arts et des sciences pour le plaisir qu'elles en retirent. Dans les petites villes, le fardeau retombe le plus souvent sur quelques rares individus; il en résulte que les particuliers chez qui le sens de la responsabilité est très poussé peuvent se voir surchargés par leurs initiatives “bénévoles”. Dans les villes que nous avons parcourues, nous avons remarqué un nombre considérable de personnes qui revenaient témoigner devant nous à maintes reprises, représentant chaque fois des organismes différents. Nous savons bien qu'il peut exister des travailleurs parfois trop zélés, mais nous avons eu l'impression qu'il s'agissait, dans l'ensemble, de gens qui n'avaient consenti à sacrifier la plus grande proportion de leurs loisirs que parce que les dirigeants requis pour le travail à accomplir étaient trop peu nombreux.

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10.    C'est pourquoi nous avons constaté avec intérêt, dans plusieurs centres, l'existence d'une association bénévole de caractère spécial : le “conseil” ou “comité” représentant divers organismes qui, tout en gardant leur autonomie et leur activité propre, s'unissent à quelque fin commune. Ainsi ces organismes s'épargnent du temps, du travail et de l'argent puisqu'ils s'évitent des efforts superflus et s'assurent une collaboration maxima. Sept groupements de ce genre, à l'œuvre dans cinq provinces, nous ont présenté des mémoires (1). Certains sont les porte-parole de sociétés d'artisanat et d'art comme ceux de New-Westminster, de Vancouver et de Winnipeg, ou de l'ensemble des organismes de la collectivité, celui de Vancouver-Ouest par exemple. Les intéressés cherchent ainsi comme on l'a déjà signalé, à s'épargner des efforts inutiles ou encore à mettre un centre communal à la disposition d'entreprises très variées. Un exposé fort intéressant, portant sur un centre de ce genre, nous a été présenté à Calgary. Un comité prenait à son compte, dans cette ville, il y a déjà quelques années, une grande maison bien montée. Après avoir débuté avec un modeste capital de $300 qui provenait de la vente de tableaux donnés par des artistes de l'endroit, le comité dispose maintenant d'un important budget annuel et compte vingt-quatre groupes affiliés qui représentent tous les arts et métiers. Cette fédération d'organismes s'est dite fière des résultats de l'effort concerté et de la bonne volonté dont les membres ont fait preuve, en sachant mettre l'avantage commun au-dessus des petites divergences d'opinion.

11.    Ces sociétés bénévoles qui fonctionnent avec plus ou moins d'efficacité dans la sphère locale, doivent donc souvent ménager leurs maigres ressources par l'établissement de rouages de collaboration qui, aux yeux de ceux qui n'en comprennent pas le besoin, peuvent paraître un peu trop compliqués. Bien des groupements de savants et de professionnels, ainsi que de nombreuses sociétés constituées à des fins diverses qui relèvent plus ou moins du domaine éducatif, sont affiliés, d'habitude, à un organisme de caractère national (2). Ce dernier, d'ailleurs, établit souvent son organisation sur le plan local et régional aussi bien que sur le plan national. Comme les sociétés locales existent afin d'éveiller l'intérêt du public et son sens de la responsabilité à l'égard d'une foule de questions d'importance locale et nationale, de favoriser l'échange d'idées sur des questions d'intérêt commun, et à l'occasion, de préconiser des mesures législatives par la mobilisation de l'opinion publique, elles se voient obligées de songer à une organisation de portée nationale, même si les relations avec celle-ci exigent une correspondance volumineuse et des frais de déplacement élevés. Le groupe local jouit souvent d'une grande autonomie et lance, de son propre chef, bien des entreprises. Mais les congrès nationaux et les tournées des membres de la direction contribuent périodiquement à replacer les problèmes dans une perspective nationale.

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Il convient de souligner qu'à l'exception d'un petit nombre de sociétés savantes qui touchent une modeste subvention de l'État, l'activité de ces groupements s'exerce aux frais des sociétés et des particuliers directement intéressés. Ces organismes nationaux de nature bénévole se montrent décidés à poursuivre leur œuvre en dépit de l'isolement et de l'insuffisance des ressources; voilà, à notre avis, un autre indice encourageant de l'intérêt que les Canadiens portent non seulement aux affaires de leur entourage immédiat mais à celles de l'ensemble de la nation.

APPORT D'ORDRE GÉNÉRAL OU SPÉCIAL À LA VIE

CULTURELLE DU CANADA

12.    Dans chacun des chapitres du Rapport, il est question, sous une forme ou sous une autre, de l'apport des sociétés bénévoles à la vie artistique, littéraire et scientifique du pays. Ici, nous voulons mentionner quelques-unes des diverses modalités que cet apport peut revêtir avant d'étudier, conformément à notre mandat, les relations qui existent entre les sociétés bénévoles et l'État ou ses organismes officiels.

13.    Parmi les réalisations des sociétés bénévoles, celle qui saute tout d'abord aux yeux est l'effort qu'elles font pour résoudre ce problème de la passivité intellectuelle dont on nous a longuement entretenus. La tendance à consacrer une proportion croissante de ses loisirs à suivre un spectacle des yeux, à écouter sans réagir, ou à se promener à l'aventure en automobile, constitue, nous a-t-on affirmé, une menace grandissante à la culture et même au comportement raisonnable de l'être humain. Les sociétés bénévoles que nous avons entendues exigent, de par leur nature même, au moins une certaine participation de leurs membres. Un grand nombre de ces sociétés se reposent sans doute trop facilement sur la seule initiative de leur bureau; cependant, même au sein de ces groupes, on s'efforce, en général, de corriger l'inertie des moins actifs. Il n'est pas nécessaire de s'attarder ici à l'activité des peintres, des musiciens, des acteurs et autres artistes. Nous tenons cependant à citer en exemple la Royal Astronomical Society of Canada qui réunit sans doute d'abord des professionnels, mais qui réussit aussi à susciter une activité étonnante chez les amateurs de cette science aussi difficile qu'attrayante. On y encourage les membres, avons-nous appris, non seulement à acquérir des télescopes, mais encore à en fabriquer. L'un des groupes les plus nombreux, à Montréal, ne compte parmi ses dirigeants, aucun professionnel. De son côté, la Société d'Étude et de Conférences travaille dans le même esprit, mais en se limitant à la culture littéraire et artistique de ses membres. Chacune est tenue de présenter, tous les ans, une étude littéraire ou artistique sur un sujet de son choix. Quelques-unes de ces études constituent des essais remarquables.

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14.    L'appui qu'elles offrent en général et de diverses façons, directes ou indirectes, aux arts, aux lettres et aux sciences, constitue un autre apport des sociétés bénévoles. La radio et l'école jouent leur rôle dans la formation du goût et du sens critique, mais elles ne remplacent pas la formation réelle qu'offre un groupement local, non seulement aux artistes, mais encore à leur amis, invités pour les critiquer ou les applaudir. Aucun instrument d'information collective ne saurait non plus remplacer, pour l'éducation du goût, les festivals musicaux et dramatiques où les particuliers et les groupes « ... rivalisent entre eux sur la voie qui conduit à la perfection » (3). Ces festivals et autres groupements bénévoles contribuent, partout au Canada, à former l'auditoire, ainsi qu'à repérer et à initier les artistes. Ils font davantage : ils rétribuent les artistes. Nous avons été saisis par le grand nombre de groupements musicaux et dramatiques qui, non seulement, fournissent un emploi temporaire à nombre de leurs membres, mais contribuent également à leur spécialisation professionnelle au moyen de bourses. Des groupements d'artistes et de musiciens, bien qu'ils soient notoirement dépourvus d'argent, décernent des bourses à leurs membres; d'autres se donnent même comme but principal de recueillir de l'argent dans ce but. Les caisses bien garnies sont assez rares, mais les petits groupements bénévoles qui sur tous les points du pays interviennent en offrant une aide, allant de la bourse modeste aux sommes considérables grâce auxquelles les titulaires peuvent étudier à l'étranger, sont tellement nombreux qu'il serait difficile de mentionner des noms.

15.    Nombre d'associations réservées aux jeunes gens, mais dirigées principalement par leurs aînés, nous ont aussi présenté leurs observations. L'activité de la Young Men's Christian Association, de la Young Women's Christian Association, des Guides, des Scouts et de l'Association catholique de la Jeunesse canadienne-française est bien connue. Nous avons appris avec intérêt l'existence de plusieurs autres groupements qui visent à atteindre des fins plus strictement culturelles. Le premier Sir Ernest MacMillan Fine Arts Club fut fondé vers 1937 par un professeur d'une école secondaire de Vancouver qui, regrettant qu'on attachât trop d'importance à l'athlétisme chez les jeunes, voulut stimuler chez eux des préoccupations d'ordre culturel qui continueraient de s'accroître à mesure que diminuerait leur participation aux sports. Ces clubs comprennent des étudiants qui, sans être des artistes, sont des amateurs au sens propre du mot, cherchent surtout leur plaisir dans les arts, et reconnaissent qu'il leur incombe d'appuyer les artistes en herbe. Leurs professeurs ou des amis adultes se chargent, pour une bonne part, de la direction du travail. Le mouvement s'est répandu de la Colombie-Britannique à l'Alberta et à la Saskatchewan. Des sociétés semblables, telles que les Jeunesses musicales, ont été établies dans l'Est du Canada. Un autre organisme, les Amis de l'art, qui poursuit des buts analogues,

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mais avec des méthodes quelque peu différentes, a été institué à Montréal en 1942. On trouve également, dans la métropole, l'Orchestre Symphonique des jeunes de Montréal, destiné à venir en aide au jeune musicien ainsi qu'à ses amis, en fournissant à l'artiste l'occasion d'exercer son art et en permettant aux amateurs d'entendre de la bonne musique à peu de frais.

16.    Former une opinion publique éclairée et la guider dans des voies appropriées, voilà une autre importante fonction de la société bénévole. Il existe inévitablement certains groupements d'intérêt particulier qui ne cessent d'exercer des pressions sur la collectivité. Il est donc d'autant plus important de voir s'épanouir d'autre groupements qui se consacrent principalement aux fins intellectuelles et artistiques, et sur lesquels, pour cette raison même, on puisse compter à l'occasion lorsqu'il s'agit d'obtenir des vues désintéressées et réfléchies sur les questions publiques. Il y a, cela va de soi, des groupements spéciaux qui s'intéressent principalement à l'étude et à l'échange de vues sur ces questions. Parmi ceux-ci, plusieurs ont comparu devant nous, notamment l'Institut canadien des affaires internationales, le National Council of Women, la Fédération des mouvements de jeunesse du Québec, les cercles de fermières de la Province de Québec et, à l'échelle régionale, le Public Affairs Institute de Vancouver et le Discussion Club d'Hamilton.

17.    Les principaux sujets de notre enquête ont suscité des commentaires éclairés de la part d'un certain nombre d'associations professionnelles importantes: le Royal Architectural Institute of Canada, l'Institut professionnel du service public du Canada, la Canadian Home Economics Association et la Corporation des agronomes de la Province de Québec. Les remarques que nous présentèrent ces deux dernières sociétés étaient fondées sur une connaissance approfondie de certains aspects particuliers de notre vie canadienne. La Canadian Home Economics Association nous a fourni une définition complète et fort judicieuse du problème de l'éducation populaire dans les foyers ruraux. La Corporation des agronomes de la Province de Québec, qui a comparu devant nous à titre d'organisme professionnel spécialisé dans les questions agricoles, a cependant interprété, dans une large perspective nationale, les problèmes de notre vie culturelle, qu'elle a traités de façon généreuse et avec une remarquable clarté de vue. De son côté le mémoire du Canadian Jewish Congress nous a impressionnés par son argumentation judicieuse et soignée. Nous sommes enfin particulièrement reconnaissants aux grandes confessions religieuses du Canada des mémoires qu'elles nous ont présentés. La manière élevée et compétente avec laquelle elles ont discuté des questions qui relèvent de notre mandat est une autre indication de ce sens de la responsabilité qu'elles savent mettre dans la formation de l'opinion publique.

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18.   Plusieurs sociétés bénévoles peuvent aussi faire de l'excellente besogne en éclairant la population sur certaines mesures d'ordre intellectuel ou éducatif prises par les gouvernements. « Il est très difficile au ministère de l'Instruction publique, nous déclare l'Alberta Federation ot Home and School Associations, d'élever le niveau de l'éducation et de mettre de nouvelles méthodes à l'essai si la population n'est aucunement au courant de ses efforts. Elle proteste si l'on change les manuels, et ainsi de suite. Nous cherchons donc à renseigner le public » (4). Le président de cet organisme étant en même temps fonctionnaire du ministère de l'Instruction publique, les renseignements et critiques peuvent être facilement échangés de part et d'autre. De son côté, la Société historique de Québec agit sur un plan entièrement différent. Elle s'efforce, au moyen de conférences radiophoniques et d'une rubrique dans un quotidien, d'intéresser la population au passé historique de la ville, en le lui faisant mieux connaître.

19.    Toute société dont l'action s'étend au pays tout entier doit contribuer, par son travail, à l'union et à l'harmonie entre les éléments de la nation. Au Canada, cependant, cet apport est inévitablement limité dans le cas de plusieurs organismes bénévoles, parce que le pays se compose de deux groupements de langue différente dont chacun ne connaît qu'imparfaitement la langue de l'autre. Certaines sociétés ont été établies principalement en vue de favoriser le bilinguisme chez les éléments français et anglais de la population, et d'intensifier notre sens de l'unité. Tel est le cas de la Société des visites interprovinciales. Il nous semble que, dans les régions où l'élément de langue anglaise prédomine, le Comité de coordination des mouvements canadiens de Jeunesse, le Comité permanent de la survivance française et de la Société canadienne d'enseignement postscolaire jouent ce même rôle. Nous avons été frappés du grand nombre de sociétés d'envergure nationale qui nous ont envoyé des députations composées de représentants de langue française et de langue anglaise. Il n'est reste pas moins que, bien que les organismes bénévoles soient en état de contribuer puissamment à l'unité nationale, ce n'est que rarement qu'elles parviennent à franchir la barrière qui sépare les deux groupes linguistiques, exception faite de certaines sociétés savantes.

20.    Des sociétés représentant des groupements fiers de faire remonter leur origine à divers pays de l'Europe continentale, nous ont aussi soumis d'intéressants mémoires. L'œuvre qu'elles accomplissent pour enrichir notre patrimoine national en conservant bien vivante leur culture particulière nous paraît essentielle. On notera tout spécialement leur important apport à la musique et à la danse au Canada.

21.    On rappelle constamment aux Canadiens les influences extérieures qui ont façonné leur mode d'existence. C'est avec un intérêt tout particulier que nous avons appris qu'à leur tour, des influences canadiennes

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LES SOCIÉTÉS BÉNÉVOLES

se manifestaient dans d'autres pays. Tout le monde sait que de nombreux organismes canadiens affiliés à des groupements internationaux fournissent un bon appoint à l'effort commun. Un fait peut-être moins connu, c'est que le mouvement des Women's Institutes, qui s'étend maintenant au monde entier, a pris naissance en Ontario. Le mouvement des Festivals musicaux a passé d'Angleterre aux provinces des Prairies et se répand de là au Middle-West américain où il arrive assez souvent qu'on choisisse, pour les festivals d'amateurs, des juges canadiens de compétence reconnue. La Société canadienne d'histoire naturelle et ses filiales se sont étendues du Canada aux États-Unis, puis à la France et enfin aux Antilles.

22.    Il convient de faire mention d'un autre apport important de certains organismes d'initiative privée. On a malheureusement tendance à rejeter certaines mesures désintéressées prises par les sociétés commerciales, sous prétexte qu'il s'agit de « simple réclame ». Fort heureusement pour le Canada, plusieurs sociétés commerciales ne se contentent pas de « simple réclame », mais ont mis en œuvre, pour maintenir de bonnes relations publiques, des projets bien agencés et généreux de nature à favoriser les arts, les lettres et les sciences. Des maisons de commerce encouragent la peinture et le théâtre canadiens; des fabricants de textiles et de produits chimiques ont aidé plusieurs jeunes chanteurs canadiens; une banque publie en primeur des contes et nouvelles d'auteurs canadiens; un grand magasin de l'Ouest maintient un excellent petit musée et publie un journal historique de haute tenue. Une société commerciale a rendu possible la publication d'un important ouvrage d'histoire du Canada et plusieurs autres accordent des bourses d'études dont la valeur atteint, chaque année, un très fort montant. Nous sommes heureux de mentionner ces gestes remarquables de civisme éclairé.

LES ORGANISMES BÉNÉVOLES ET L'ÉTAT

23.    Le problème des relations entre l'effort bénévole et l'activité gouvernementale constitue, à notre avis, le point de convergence de nos travaux d'enquête. En effet, il n'est nullement exagéré d'affirmer que l'exercice démocratique du gouvernement est facilité grâce au travail des organismes bénévoles qui, dans les questions d'intérêt national, complètent l'action de l'État et, souvent, jettent les bases d'entreprises que, par la suite, celui-ci prend à son compte. Plusieurs des plus importantes et des plus brillantes réalisations de la Grande-Bretagne, au cours du dernier siècle, ont été le résultat immédiat des travaux d'organismes bénévoles, depuis les explorations polaires jusqu'à la réforme des prisons, depuis les bibliothèques jusqu'à l'organisation systématique du sauvetage, depuis les musées d'art jusqu'à l'aéronautique. On peut en dire autant

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de la France. Ici au Canada, nous avons fermement maintenu ce principe du service public bénévole. Dans l'examen de cette importante et difficile question des rapports entre le gouvernement et l'initiative privée, nous avons eu l'avantage de bénéficier de l'expérience de plusieurs organismes bénévoles. De façon générale, on semble convenir qu'il importe de s'en tenir à la formule de l'initiative et de la responsabilité personnelles, tout en profitant de l'économie d'efforts que peut apporter la collaboration de certains organismes administratifs de l'État moderne.

24.   Quant aux moyens qui, dans la pratique, permettraient d'atteindre cette fin, nous avons entendu les avis les plus divergents. Un certain nombre de groupements ne tiennent guère à l'aide de l'État, ni, surtout, à la dose de surveillance qu'elle comporte nécessairement. « L'aide accordée... devrait être aussi indirecte que possible, dit-on. Le plus grave danger que peut présenter cette aide est un paternalisme exagéré et une intervention trop zélée, dans l'orientation »(5). Telle est l'opinion d'un fonctionnaire qui avait obtenu l'autorisation d'employer des fonds d'État afin de réunir certains groupements dans la Northern Ontario Art Association. Un autre témoin de l'ouest du Canada, versé dans l'enseignement postscolaire, nous a fait savoir que l'aide de l'État était quelquefois superflue, peu appropriée ou importune. Elle peut fort bien faire double emploi avec l'effort bénévole. Si elle est parfois utile pour subvenir à quelque besoin passager, il est dangereux qu'elle finisse, par suite du zèle de l'Administration, par décourager toute initiative. On nous a rappelé qu'outre les avantages qu'en retirent ceux qui y participent, une activité bénévole judicieuse est à la longue plus économique et plus efficace qu'une intervention directe de la part de l'État.

25.    D'autre part, nous avons reçu un intéressant rapport d'une personne ayant acquis une longue expérience dans les sociétés bénévoles et dans un service de l'État. Elle nous signale le danger de considérer les initiatives des sociétés bénévoles et celles de l'État comme s'excluant. Elle s'est aussi élevée contre la supposition gratuite que toute initiative bénévole est méritoire et que l'intervention officielle est, sinon condamnable, du moins dangereuse.

« Les sociétés bénévoles ne sont pas toujours recommandables. Le but en est parfois très mesquin; elles servent souvent à l'avancement personnel; elles durent parfois longtemps après avoir cessé d'être utiles parce que leurs directeurs les maintiennent pour garder leur rang dans la collectivité, et elles ne savent pas toujours évoluer au même rythme que les besoins de leurs membres. C'est la coutume de désigner les fonctionnaires de l'État sous le nom de bureaucrates, mais il n'y a rien de plus bureaucratique qu'une société qui n'a pas changé de directeurs depuis dix ou vingt ans » (6).

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26.   C'est en tenant compte de toutes ces remarques que nous avons examiné la masse de renseignements qui nous a été soumise au sujet des relations entre l'État et les sociétés bénévoles. Nous avons d'abord été frappés de la manière dont les gouvernements, fédéral et provinciaux, se sont intéressés aux travaux des sociétés bénévoles, à tel point qu'il est impossible de songer aux uns sans penser aux autres. Nous croyons discerner un rapport entre cette activité conjointe et les conditions géographiques et constitutionnelles particulières au Canada. Par exemple, cinq institutions bénévoles d'envergure nationale et de très haute portée éducative, le National Farm Radio Forum, le Citizens' Forum, le Choc des Idées, les Idées en Marche et les Conseils du Film, dépendent entièrement des services officiels de la radiodiffusion et du film. Ces réalisations bénévoles ont d'ailleurs pris naissance dans les services offerts au public par l'État et ses organismes, lesquels, par la suite, accomplissent leur travail par l'intermédiaire de ces institutions. Il ne s'agit pas ici d'aide donnée ou reçue, mais d'effort mutuel.

27.    Il y a d'autres exemples d'une conjugaison d'efforts gouvernementaux et bénévoles sous l'influence de nos conditions géographiques et constitutionnelles. La Canadian Association for Adult Education et la Société canadienne d'enseignement postscolaire ont une commission conjointe d'orientation par l'intermédiaire de laquelle elles confèrent régulièrement avec plus de cinquante organismes, y compris des sociétés d'envergure nationale, les ministères provinciaux de l'Instruction publique, les universités provinciales et des organismes fédéraux, tels que Radio-Canada, l'Office national du film et le ministère de l'Agriculture. Sous l'égide de l'UNESCO, le Conseil canadien pour la reconstruction a groupé les efforts d'une quarantaine d'organisations comprenant des sociétés bénévoles, l'Office national du film et le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. Le Conseil canadien du Bien-être social collabore avec de nombreux groupements bénévoles, avec les gouvernements provinciaux et les conseils municipaux ainsi qu'avec le gouvernement fédéral.

28.    Nous avons noté qu'on ne saurait confiner exclusivement à une aide du trésor public le problème complexe des relations entre l'organisme d'État et la société bénévole. Le plus souvent, telle initiative s'impose que le gouvernement ne saurait réaliser seul et qui, pour diverses raisons, échappe, par ailleurs, à la compétence exclusive de la société bénévole. L'effort conjugué de l'un et de l'autre ne s'inspire pas seulement alors, ni même principalement, du besoin d'aide financière. Toutefois, un bon nombre de sociétés bénéficient de l'aide considérable que leur apportent directement ou indirectement les services et les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. Certains gouvernements provinciaux, notamment celui de la province de Québec, donnent un encouragement direct et très généreux aux arts et aux lettres.

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Les gouvernements fédéraux cependant ne se sont jamais beaucoup intéressés à ces domaines. On constate que vingt-quatre groupements différents reçoivent actuellement $791,540 du gouvernement fédéral, y compris $356,876 pour les foires et expositions et $115,200 pour les instituts et associations militaires. Cinq seulement des organismes subventionnés sont véritablement des associations d'ordre culturel et ils reçoivent au total $21,000. Si l'intérêt que le Canada porte, sur le plan national, à l'activité bénévole dans le domaine des arts, des lettres et des sciences, se calculait à proportion des subventions financières qu'il lui accorde, à peine  pourrait-on l'appeler une nation civilisée.

29.    Présentement, il y a tendance à demander à l'État d'entreprendre davantage en coopération avec les sociétés bénévoles. La plupart des groupements qui ont étudié le problème ont parlé de la manière dont la Grande-Bretagne a protégé et favorisé les arts durant la dernière guerre. L'organisme aujourd'hui connu sous le nom de Conseil des arts de Grande-Bretagne a été fondée en 1940 grâce à une aide initiale d'origine privée. Il a été définitivement établi en qualité de Conseil des arts en vertu d'une charte royale en 1946. C'est le gouvernement qui en nomme les membres et en assume maintenant seul les frais. Il vise

« à l'avancement de la connaissance, du goût et de la pratique des beaux-arts ... et plus particulièrement à les rendre plus accessibles au public ... à améliorer les normes d'exécution, à conseiller les ministères, les autorités régionales et autres organismes, ainsi qu'à collaborer avec eux dans tous les problèmes qui relèvent du domaine artistique  » (7).

Depuis 1940, alors que son budget s'élevait à 50,000 livres, le Conseil des arts a graduellement étendu la porté de son activité. En 1948-1949, sa subvention s'établissait à 575,000 livres.

30.    L'essai tenté en Grande-Bretagne parait avoir éveillé beaucoup d'intérêt parmi les groupements bénévoles du Canada. La plupart des gens semblent convenir que, même si plusieurs des groupes régionaux n'ont pas besoin d'une aide directe de l'État ni ne la réclament, ou même dans certains cas, étant donné leurs fins, ne peuvent l'accepter, bien d'autres sociétés intéressées aux arts et aux lettres ont besoin d'appui pour accroître leur utilité. Les orchestres symphoniques ainsi que les troupes d'opéra, de ballet et de théâtre ne peuvent poursuivre leur activité, très coûteuse, sans aide de l'extérieur; au Canada, à l'heure actuelle, ils ne peuvent pratiquement pas l'obtenir d'une autre source que du gouvernement.

31.    Nous avons déjà signalé que cinq sociétés savantes ou culturelles touchent en ce moment des subventions fédérales qui s'élèvent dans l'ensemble à $21,000. Ce sont : la Royal Astronomical Society of Canada,

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la Royal Canadian Academy of the Arts, la Canadian Writers' Foundation, la United Nations Association in Canada et la Société Royale du Canada. Nous avons remarqué, d'autre part, que des organismes bénévoles travaillant dans d'autres secteurs reçoivent, du trésor fédéral, des subventions sensiblement plus généreuses; par exemple, la Canadian Olympic Association touche $17,500 et le Conseil général des Scouts Canadiens, $15,000. De son côté, ainsi que nous l'avons déjà dit, le ministère de la Défense Nationale verse pour sa part une subvention de $115,200 aux “associations et instituts militaires”. Dans tous les exposés de faits qui nous ont été présentés sur la question, nous ne pouvons trouver d'explication suffisante à ces écarts entre des subventions destinées à des fins pour le moins aussi méritantes les unes que les autres. Nous estimons qu'une subvention globale de $21,000 de source fédérale est loin de refléter l'intérêt que le public en général porte aux arts et aux lettres.

32.    La plupart des sociétés bénévoles sont d'avis, croyons-nous, que la meilleure façon d'encourager l'effort bénévole n'est pas seulement d'étendre le présent régime rigide et insuffisant de subventions annuelles; il faut aussi tenir compte de certains besoins spéciaux et des entreprises nouvelles. Les diverses propositions qu'on nous a présentées en faveur de l'institution au Canada d'un conseil des arts, si différentes soient-elles quant aux détails, ont toutes le souci de préconiser un régime d'assistance de l'État, à la fois plus généreux et plus souple que par le passé. Deux provinces, l'Alberta et la Saskatchewan, ont mis en œuvre, chez elles, des projets qui s'apparentent à la formule du Conseil des arts. Ces institutions sont encore au stade expérimental, mais semble [sic] prometteuses. Nous sommes d'avis que la population souhaite que l'État collabore beaucoup plus, à l'avenir, avec les groupements bénévoles qui s'intéressent aux arts, aux lettres et aux sciences. On semble désirer d'une façon générale que toute aide ainsi accordée soit administrée par un organisme semblable au Conseil des arts de Grande-Bretagne, plutôt que par un service du gouvernement.

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*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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