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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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LIEUX ET MONUMENTS HISTORIQUES*

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1.  Comme nous l'avons expliqué dans la première partie de notre Rapport, c'est au Service des parcs nationaux (relevant du ministère des Ressources et du Développement économique) qu'incombe, depuis de nombreuses années, la charge de veiller à la conservation et au signalement des lieux et monuments historiques. Le Service des parcs agit sur les avis de la Commission des lieux et monuments historiques, nommée elle-même par le gouvernement fédéral et composée principalement d'historiens de réputation, assistés de l'archiviste du Dominion et d'un délégué du Service des parcs. La Commission se réunit une fois l'an, pour débattre des questions qui l'intéressent et pour faire connaître son avis sur le signalement des lieux que lui indiquent ses propres membres ou des personnes de l'extérieur.

2.   Nous tenons à exprimer notre admiration pour les travaux accomplis d'une façon bénévole par la Commission et grâce à l'énergie intelligente du Service des parcs, qui ne peut d'ailleurs offrir à sa Division des lieux et monuments historiques qu'un modeste budget de $135,000. Nous avons vu déjà que ces organismes ont procédé au classement et qu'ils s'occupent de l'entretien de nombreux lieux et monuments qui offrent un intérêt historique.

3.   Il nous semble toutefois qu'il est temps de songer à étendre largement ces initiatives et d'envisager quelques changements qu'il serait utile d'apporter à la ligne de conduite généralement suivie. Sans vouloir diminuer l'importance qu'il y a, du point de vue matériel, d'attirer les touristes nous croyons que la Commission n'en a pas moins comme but essentiel d'enseigner aux Canadiens leur propre histoire par le truchement d'objets anciens, qui peuvent éveiller leurs émotions et stimuler leur imagination. L'énumération des faits, nous la trouvons dans les livres; il appartient aux monuments et aux inscriptions de ressusciter le passé. Nous ne méconnaissons pas la nécessité de se recréer mais nous considérons que les Canadiens ne sont pas assez portés vers cette forme de divertissement supérieur que peut être la connaissance intime de l'histoire de la nation.

4.   Nous sommes d'avis que, pour important que soit le signalement des lieux historiques, on a négligé à son profit la restauration et l'entretien. Sans doute, la restauration coûte bien davantage; mais, d'autre part, elle est plus évocatrice, car elle présente l'information de façon plus frappante. En outre, dans certains cas, elle s'impose d'urgence. Les lieux où se livrèrent des batailles, où l'on signa un traité; l'emplacement de la demeure d'un Canadien éminent, une fois connus, peuvent être marqués tout aussi bien aujourd'hui, ou dans cinquante ans, peu importe. Mais

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s'il s'agit de déterminer la configuration d'un lieu historique ou de sauvegarder une maison, les travaux qu'il y a lieu d'entreprendre doivent être exécutés sur l'heure, ou il sera trop tard. Il nous paraît important qu'on se demande si l'installation du cairn de pierre que l'on rencontre un peu partout ne devrait pas suivre les travaux de restauration plutôt que d'en tenir lieu comme c'est souvent le cas.

 5.   À notre avis, la conformation des bornes et des plaques mérite qu'on s'y arrête. Le cairn de pierre et la plaque de bronze sont d'utilisation courante au Canada. Les cairns se distinguent par une triste monotonie, qui jure déplorablement avec le pittoresque et le relief des événements ou des personnages qu'on entend ainsi honorer. Ils ont quelque chose de la mélancolie des anciens cimetières, sans toutefois en dégager le charme. Si le lieu a perdu sa configuration, si l'édifice a disparu, ne faudrait-il pas s'efforcer de faire revivre l'époque, l'endroit, ou l'événement qu'on veut évoquer, de manière à éveiller l'intérêt et à émouvoir ? Que les bornes et les plaques doivent avoir un caractère d'uniformité, nous l'admettons volontiers, mais elles seraient plus utiles si leurs inscriptions étaient plus courtes et plus lisibles. À l'heure actuelle, seuls les chercheurs intrépides ont le courage de les déchiffrer jusqu'au bout.

6.   Nous pensons néanmoins que la tâche la plus urgente est, pour le moment, la conservation des lieux dont le caractère historique s'efface de jour en jour et des édifices que menacent le tracé de voies publiques, l'indifférence et l'incendie; car le feu, ne l'oublions pas, guette ces maisons de bois qui furent témoins des premiers temps de notre histoire. D'anciens édifices survivent dans les provinces Maritimes, dans le Québec et l'Ontario mais leur nombre diminue rapidement. Leur relative rareté, dans les autres provinces, en fait des trésors précieux. D'autre part, dans certaines de nos régions à faible densité de population, on peut encore repérer les traces du passé sur le sol même que foulent leurs habitants; mais, là aussi, le passé menace de s'effacer sous l'usure des jours. Il n'est peut-être pas nécessaire de conserver tous ces édifices ni tous ces lieux anciens; mais accordons du moins une attention urgente à ceux qui présentent un intérêt historique ou architectural particulier.

En conséquence nous recommandons :

a) Que la Commission des lieux et monuments historiques élabore pour l'avenir un programme de travail beaucoup plus vaste et qu'on lui accorde les crédits nécessaires pour lui permettre de remplir ses importantes charges de façon satisfaisante.
 
b) Qu'on accorde plus d'importance à la restauration et à la conservation des lieux et édifices historiques, y compris les édifices de valeur purement architecturale.
 
c) Que là où le temps n'a épargné que le lieu de quelque événement et a détruit les édifices et les autres témoignages du passé, on place des bornes ou plaques commémoratives qui satisfassent le sens

 

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esthétique et aient une certaine puissance d'évocation. Que ces bornes ou ces plaques portent des inscriptions plus lisibles et plus succinctes que celles du type actuel, et que l'on confie à des sculpteurs canadiens l'édification de monuments appropriés et dignes de l’admiration générale.

7.   Pour mener à bien ce programme beaucoup plus vaste, le Service des parcs nationaux devra avoir recours aux lumières d'une Commission des lieux et monuments historiques dont on aura, au préalable, modifié les statuts, les pouvoirs et les attributions. On nous a exposé qu’il faudrait à l'avenir accorder, dans la Commission, une représentation plus généreuse aux provinces du centre, à cause de leur développement et de la richesse de leurs souvenirs historiques; on a proposé également qu'on nomme à la Commission des spécialistes de l'histoire. Elle garderait ses fonctions d'organisme consultatif et n'aurait rien à voir aux fonctions administratives; elle jouirait, cependant, d'une autonomie plus grande, pour tout ce qui concerne les enquêtes, les discussions et l'expression d'avis et de conseils.

8.   Nous croyons que les modifications projetées seraient profitables, particulièrement au cas où la Commission accroîtrait le volume de ses travaux. Si l'on doit se préoccuper davantage de la restauration et de l'entretien des lieux historiques, il conviendrait, en effet, de les reconnaître et de les cataloguer. Il faudrait aussi délimiter les fonctions respectives des autorités fédérales, provinciales et municipales; élaborer quelque méthode de priorité; enfin, prendre des mesures qui assureraient une répartition équitable des monuments commémoratifs, en tenant compte de l'intérêt historique du sujet à commémorer aussi bien que de sa position géographique. Comme nous l'avons noté dans notre première partie, le Canada a, jusqu'à présent, fait porter son effort dans ce domaine, surtout sur la conservation des monuments purement militaires. On ne met pas en doute l'importance des travaux accomplis, mais il serait temps de songer à réviser toute notre politique en cette matière.

9.   Nous ne pensons pas que la composition actuelle de la Commission convienne à ces importantes fonctions; ceux de ses membres qui sont spécialistes en histoire n'ont pu, jusqu'à présent, accorder à ce travail que leurs rares instants de loisirs et ont dû, bien souvent, travailler sans l'aide d'un secrétaire.

En conséquence nous recommandons :
d) Que la Commission des lieux et monuments historiques se compose à l'avenir comme suit:
i. De deux membres pour l'Ontario, de deux membres pour Québec et d'un membre pour chacune des huit autres provinces; que ces membres soient des spécialistes faisant autorité en histoire ou dans les domaines connexes, qu'ils soient désignés par le gouverneur en conseil pour une période de cinq ans et que leur mandat ne puisse être renouvelé qu'une fois.

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ii. De deux membres qui seront nommés par le Conseil de la Canadian Historical Association, également pour cinq ans et dont le mandat ne puisse pareillement être renouvelé qu'une fois.
 
iii. De l'archiviste du Dominion (d'office).
 
iv. D'un président qui sera nommé par le gouverneur en conseil
 
v. D'un secrétaire permanent, qui devra être un historien de profession jouissant d'une réputation bien établie et dont le traitement sera satisfaisant. Il aura en partie pour fonctions de prendre l'initiative de propositions tendant à l'acquisition, aux réparations et à l'entretien d'édifices historiques; de donner des avis à la Commission sur l'apposition de plaques commémoratives; de mener toutes enquêtes en ces matières et de soumettre à la Commission des rapports en résultant. (Les membres de la Commission devraient agir à titre gratuit, mais leurs dépenses leur seraient remboursées. Le fonctionnaire, qui dirige la Section des parcs et lieux historiques au Service des parcs nationaux, agira à titre consultant auprès de la Commission et assistera à toutes ses réunions.)
e) Que la Commission révise et expose clairement la ligne de conduite qu'elle entend suivre en ce qui concerne la conservation des lieux et édifices historiques; qu'elle prépare elle-même des catalogues énumérant les principaux lieux de chaque province, accordant une attention toute particulière à la province de Terre-Neuve qui possède un fonds historique d'une richesse inestimable, ou qu'elle favorise la préparation de tels catalogues; qu'elle établisse un régime de priorités, fondé non seulement sur la valeur historique des lieux et monuments, mais encore sur les dégâts probables que le temps pourrait leur apporter si on en néglige la conservation. (Ces catalogues devront distinguer les lieux et monuments d'intérêt national de ceux qui sont essentiellement ou surtout d'intérêt provincial ou local.)
 
f) Que la Commission, par tous les moyens en son pouvoir (mais sans empiéter sur la compétence provinciale), maintienne des relations étroites et amicales avec les autorités provinciales chargées des mêmes fonctions, qu'elle veille à un échange libéral de projets et d'informations, qu'elle laisse connaître son avis sur la possibilité et l'utilité de conférences périodiques avec les autorités provinciales.
 
g) Que, d'une manière générale, la Commission assume les fonctions d'un office central d'information sur tous les sujets se rapportant à la restauration, à la conservation et au signalement judicieux et exact des lieux et monuments historiques du Canada.

10.   On nous a signalé que la conservation des lieux et monuments historiques met en jeu l'importante question du droit de propriété ou du droit de garde. De nombreux édifices anciens (cela est vrai surtout, mais non exclusivement, des vieilles maisons d'habitation) appartiennent à des particuliers. Les accidents ou la négligence menacent sans cesse de les détruire ou, du moins, de les endommager.

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11.   De plus, nombre d'édifices historiques importants, confiés au gouvernement fédéral, relèvent de ministères qui n'attachent pas d'importance à leur valeur de souvenir, ou qui n’ont souvent d'ailleurs ni les fonds ni les moyens qui leur permettraient de veiller à leur entretien. Les belles fortifications anciennes de Kingston illustrent malheureusement trop bien cette absence d'un système de conservation bien conçu et fortement coordonné. Tous ces bâtiments appartiennent à l'État, mais trois d'entre eux (Fort Henry, ainsi que les tours de l'île aux Cèdres et de Shoal) sont cédés à bail à la province d'Ontario. Un quatrième, Fort Frederick, est confié aux soins du ministère de la Défense nationale, dont la négligence a déjà causé des détériorations; le cinquième, la tour de Murney, est du ressort du Service des parcs nationaux, qui veille à son entretien d'une manière satisfaisante. La Citadelle d'Halifax, un des grands monuments militaires du Canada (dernière vision du pays qu'emportent les milliers de soldats qui s'embarquent pour les terres lointaines et premier coin du sol natal qu'aperçoivent ceux qui reviennent) tombe presque en ruine, à la honte du pays et au scandale des étrangers, dont la patrie d'origine a sans doute le culte des monuments nationaux. On pourrait restaurer de façon complète et permanente cette citadelle, d'un intérêt historique et architectural considérable, pour le prix d'un petit navire d'escorte. La célèbre forteresse de Québec et son réseau étendu de forts et fortifications d'appui, qui constituent peut-être le plus célèbre de nos monuments nationaux, a perdu récemment son intégralité, lors de la cession de deux de ses forts à la municipalité de Lévis. Nous énumérons ces faits parce qu'ils intéressent le pays tout entier et sans intentions critiques à l'égard du ministère de la Défense nationale, dont il serait déraisonnable d'attendre qu'il s'occupât, en surcroît de ses fonctions normales, de la garde de monuments historiques.

12.   Nous estimons, en somme, qu'il convient de réformer la politique qui préside à la garde des monuments nationaux confiés aux soins du gouvernement fédéral. Dans la pratique, cette politique, n'est pas absolument condamnable, comme le démontre le splendide état de conservation de Fort Henry; mais c'est le principe même d'une direction qui n'est pas coordonnée et de responsabilités qui sont mal définies qu'il faudrait modifier.

En conséquence nous recommandons :

h) Qu'en vue d'éviter les pertes et dégâts que pourraient subir les monuments historiques appartenant à des particuliers, le gouvernement fédéral suggère aux gouvernements provinciaux de prendre telles mesures législatives que nécessite la protection des lieux et édifices historiques, en les proclamant d’intérêt national, suivant l'exemple de la Grande-Bretagne et de la France.

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i) Que le gouvernement fédéral, afin de pouvoir remplir convenablement ses fonctions en ce qui concerne les monuments historiques se trouvant présentement sous sa garde, surtout ceux qui sont confiés aux soins du ministère de la Défense nationale (et qui, n'ayant pas de valeur militaire, ne devraient pas émarger au budget militaire) transmette la garde de ces monuments, chaque fois que faire se pourra, au Service des parcs nationaux; qu'on vote des crédits suffisants pour leur conservation et leur entretien, et qu'en règle générale on ne cède plus de ces lieux et monuments à d'autres autorités.
 
j) Que toutes dispositions nécessaires soient prises au plus tôt afin d'arrêter la dégradation progressive de la citadelle d’Halifax et de la caserne du cavalier à l'intérieur de ses murs, qu'à cette fin la citadelle soit soustraite de la garde du ministère de la Défense nationale et confiée aux soins du Service des parcs nationaux; que le gouvernement affecte des crédits spéciaux (sans préjudice des crédits destinés aux autres projets désignés par la Commission des lieux et monuments historiques) qui seront affectés à la restauration progressive de la citadelle d'Halifax d'ici à quelques années, restauration qui, si possible, devrait être poursuivie conjointement par la municipalité, la province et le gouvernement fédéral.

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*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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