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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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LA SCULPTURE*

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1.   Au cours de l'analyse des mémoires sur l'état de la peinture canadienne, nous avons écrit qu'on tient en général cet art pour l'expression de l'esprit canadien la plus mûrie et, en même temps, la plus immédiatement communicable. Est-il besoin de rappeler que la peinture échappe à la sujétion des disparités linguistiques ? Il faut songer, en outre, que les tableaux se transportent facilement et qu'ils peuvent être exposés partout où on le désire, et, par-dessus tout, que la peinture s'est acquis au Canada une renommée que les autres arts n'ont pas encore atteinte.

2.   Passons à l'étude de la sculpture, un art moins généralement reconnu que la peinture comme l'expression caractéristique de notre pays. Elle profite de tous les avantages que l'universalité de l'attrait procure à la peinture, mais elle a moins de souplesse, de variété et de mobilité.

3.   Une idée, exprimée par la Société des sculpteurs du Canada, nous a fort intéressés, et c'est que la sculpture est, dans une certaine mesure pour un peuple, sinon une cause, du moins un signe de permanence dans la civilisation.

« L'idée que le sculpteur se fait d'une ville complète en tant qu'elle peut être l'expression esthétique entière de la culture nationale englobe aussi bien les monuments, fontaines, avenues de sculpture que toutes les autres manifestations artistiques qui marquent la prise de possession définitive du pays par un peuple civilisé » (1).

On peut affirmer que l'architecture, qui indique la volonté d'assurer la permanence de la possession, dénote le début d'une civilisation. D'autre part, c'est seulement lorsque maisons et monuments publics s'embellissent de décorations appropriées et significatives, comme celles que produit la sculpture, qu'un peuple manifeste son intention bien arrêtée de vivre de compagnie, en un lieu donné, de façon permanente et agréable; d'exprimer ses particularités et ses aspirations en des symboles adéquats et durables.

4.   Plus loin dans son mémoire, la Société des sculpteurs note que semble exister

  • « la tendance, en notre pays, à accorder une attention excessive aux formes éphémères de l'art, corollaire de la mobilité de la population. La popularité des expositions ambulantes, de la radio et du cinéma, des concerts et festivals n'est pas déplorable en soi, mais dans la mesure où elle manifeste une tournure d'esprit qui ne peut jamais apprécier pleinement ni produire une culture complète »(2).

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La sculpture a été et reste le plus durable des arts, bien que les périls de la guerre, comme on la fait maintenant, aient privé les ouvrages de sculpture de l'immunité dont ils jouissaient autrefois. Le souci de la sculpture a toujours été le fait d'une société mûrie et, à cause de sa permanence, cet art nous transmet en bonne partie tout ce que nous gardons des civilisations du passé.

5.   Nous avons donc appris avec satisfaction que, depuis quelques années, se manifeste au Canada un regain d'intérêt à l'endroit de la sculpture, et que le nombre des sculpteurs canadiens augmente. On compte maintenant, nous a-t-on dit, vingt-cinq sculpteurs professionnels, membres de la Société des sculpteurs du Canada, et un grand nombre d'autres sculpteurs professionnels qui ne font pas partie de cette société. Un éminent praticien de cet art écrivait en 1948, exprimant apparemment un point de vue assez généralisé : « Pour la première fois dans l'histoire récente du Canada, les sculpteurs, même les petits sculpteurs, n'éprouvent pas un sentiment de frustration »(3).

6.   Nos sculpteurs s'expriment, comme ceux d'autres pays, aussi bien dans des œuvres d'art distinctes que dans la sculpture qui entre dans un ensemble architectural. Cet art, nous a-t-on dit, manifeste une tendance à s'intégrer de plus en plus à l'architecture. « La sculpture vient après l'architecture; elle en est une suite; elle est d'abord comme attachée au monument »(4) écrivait en 1931 un philosophe contemporain. On nous a rappelé de récentes et heureuses expériences de sculpture architecturale qui se sont produites dans la province de Québec et qui dénotent « le sens intime des grands ensembles décoratifs d'autrefois, leur puissance d'évocation, leur vie débordante et leur unité (5). Cependant, on remarque moins de sculpture pure, c'est-à-dire d'œuvres distinctes fixant le souvenir d'un événement historique, ou traitant de façon simple un sujet en soi. Et l'existence de grandes œuvres isolées n'invalide pas la portée de cette affirmation d'ordre général. On nous a fait remarquer cependant que si les sculpteurs se réjouissent de cette renaissance d'intérêt envers la sculpture architecturale qui se manifeste clairement depuis dix ans, surtout dans l'ornementation des édifices publics, ils seraient en même temps très heureux de voir se multiplier les commandes d'oeuvres isolées. Comme les autres artistes, les sculpteurs, en effet, ont un grand besoin de commandes particulières.

7.   Au Canada de langue française, le bois a fourni la matière de maintes réalisations des sculpteurs. Longtemps, l'église paroissiale a exercé un généreux mécénat à l'égard de cette forme de l'art. Les décorations en plâtre cuit, du milieu du l9e siècle, nous a-t-on dit, ont entraîné un déclin marqué du goût. Une vigoureuse tradition ne s'en maintenait pas moins, dont on trouve des manifestations dans les belles «  croix du chemin » et les excellentes sculptures sur bois qui ornent l'intérieur de certaines églises.

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Il s'est produit récemment un regain dans la sculpture sur bois, d'inspiration religieuse. On peut dire, en somme qu'il existe peu d'oeuvres dans la sculpture canadienne qui puissent se comparer aux travaux sur bois dans la province de Québec, et aux œuvres des sculpteurs de totems de la côte du Pacifique. Mais c'est là une tradition qui se meurt. La sculpture sur pierre a connu la vogue pendant un certain temps au 19e siècle grâce aux commandes de maisons commerciales; puis, elle a perdu de sa popularité jusqu'à ce que, il y a quelques années elle participât à la renaissance, — dont nous avons parlé, — de la sculpture sous toutes ses formes au Canada.

8.   Ce n'est pas sans inquiétude que nous avons entendu exposer les problèmes qui se posent au sculpteur canadien. Celui-ci n'échappe, pas plus qu'un autre artiste aux difficultés qu'il faut surmonter pour faire connaître et apprécier une œuvre d'art. Il se voit au surplus en butte aux obstacles que lui suscitent des matériaux malaisés à travailler et des outils coûteux, sans compter la proportion considérable de temps et d'efforts qu'exige chaque œuvre qu'il exécute. Par ailleurs, ainsi que l'un d'entre eux nous le faisait remarquer, il peut moins facilement que d'autres artistes se révéler au public au moyen d'expositions. Toutefois, nous a-t-on rappelé, l'exposition n'a pas d'habitude, pour le sculpteur, l'importance qu'elle a pour le peintre, puisque, d'ordinaire, les ouvrages de sculpture sont exposés à demeure dans les jardins et voies publics, ou en d'autres lieux où on les érige, ce qui est vrai en particulier de la sculpture architecturale. Ceci ne s'applique pas cependant aux œuvres de volume réduit qui sont destinées à orner l'intérieur d'une maison d'habitation. Cette branche de la sculpture est en plein développement mais les pièces ne jouissent pas de l'avantage d'une exposition permanente, comme dans le cas des œuvres plus considérables et de la sculpture architecturale.

9.   Nous l'avons déjà noté, la pratique et l'appréciation de l'art du sculpteur sont à la hausse au Canada. Toutefois, la Société des sculpteurs a protesté fermement, devant nous, contre la ligne de conduite suivie par le gouvernement fédéral, ainsi qu'elle se manifeste, par exemple, dans le plan de la capitale, qui ne prévoit ni sculpture ni consultation des sculpteurs. « Aux yeux des sculpteurs, par cette apparente apathie, on méconnaît le talent d'artistes canadiens et on refuse à la population cette forme d'art tangible et permanente » (6).

10.   Qu'elle serve comme partie intégrante d'un bâtiment, ou qu'elle soit associée au bâtiment, la sculpture, prétend-on, devrait occuper une place essentielle dans un tel plan. On nous a déclaré, en outre, que le gouvernement fédéral, non seulement ne se rend pas compte des occasions de mécénat qui s'offrent à lui, mais se montre même négligent dans ses obligations de client. Nous avons déjà mentionné une protestation qui s'est élevée contre les reproductions d'oeuvres d'art et la vente de ces reproductions, même par des organismes du gouvernement, sans aucune indication de la

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source ni rémunération à l'artiste. La Société des sculpteurs, traitant de ce sujet, a pris bien garde de souligner que les artistes, en général, voient d'un bon œil les reproductions de leurs œuvres, mais qu'ils ont le droit d'exiger qu'on les consulte, qu'on indique la source et, dans le cas d'utilisation commerciale, qu'on les paye. L'artiste peut consentir à travailler sans rémunération, mais nous ne nous sommes pas étonnés de remarquer qu'il proteste parfois contre l'empressement du public à le lui permettre si facilement.

11.   On ne s'entend pas parfaitement sur les autres formes que pourrait prendre l'encouragement du gouvernement fédéral aux sculpteurs. Certains proposent l'établissement de bourses d'études dans ce domaine mais la Société des sculpteurs, tout en manifestant son accord de principe, a posé des points d'interrogation : « La distribution de bourses est un moyen facile et assez économique d'obtenir des résultats rapides. Mais... les moyens de formation... sont déjà hors de proportion avec... les occasions de perfectionnement et de production d'oeuvres mûries » (7) . . . Sans élever d'objection contre le régime des bourses, elle est d'avis que, pour l'heure, les sculpteurs ont un besoin plus urgent de marchés élargis que de nouveaux moyens de formation.

12.   Les renseignements que la Société des sculpteurs nous a communiqués, sur le statut et la pratique de cet art, nous ont paru du plus haut intérêt. Nous avons déjà noté que le public apprécie mieux, maintenant, la sculpture; mais, comme tous les autres artistes, les sculpteurs ont besoin d'un marché pour écouler leur production. Le problème qui se pose au sculpteur a des rapports particulièrement étroits avec celui qui se présente à l'architecte et dont nous parlerons par la suite. L'un et l'autre de ces artistes en sont à une étape nouvelle et importante de leur évolution au Canada. Le sculpteur, tout en se montrant enthousiaste de la collaboration qu'il peut être appelé à donner à l'œuvre de l'architecte, craint que son inspiration ne souffre d'une association trop intime de la sculpture à l'architecture. Il n'est cependant pas déraisonnable, pensons-nous, de croire que les deux arts pourront progresser de concert et cela sans atteinte à l'indépendance du sculpteur.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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