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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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spécialisés dans les questions d'ordre militaire et fut chargé du recrutement du personnel spécialisé et de la conduite générale des recherches en rapport avec la défense nationale, de sorte que le Conseil national put reprendre son activité du temps de paix. Aujourd'hui, les laboratoires du Conseil national de recherches comprennent 13 services, dont huit se trouvent à Ottawa : les quatre services primitifs, plus ceux de la radio et de l'électrotechnique, du génie chimique, de la technique du bâtiment et des sciences médicales; trois autres services, rattachés à l'Institut d'énergie atomique de Chalk-River, ont été absorbés en 1947; et, enfin, le Laboratoire régional des Prairies et le Laboratoire régional des provinces Maritimes. Plus de 3,000 personnes, comprenant 754 professionnels de la science, y sont employées.

52.   Cependant, le travail de laboratoire ne répond pas au but primitif du Conseil national de recherches, ni, de l'avis de certains, ne représente la plus importante de ses fonctions. Cet organisme a, en effet, tenu un rôle unique et d'une importance incalculable, dans l'expansion de la recherche scientifique en général au Canada. La fondation du Conseil remonte à 1916. Dès 1914, il devenait évident que les autres nations occidentales devraient, tout comme l'Allemagne, mobiliser toutes les ressources de leur science pour l'effort de guerre. Suivant les conseils et l'exemple de l'Angleterre, le Canada se prépara à organiser son effort scientifique sur le plan national. En 1916, un Comité du Conseil privé établit le Conseil consultatif bénévole pour la recherche scientifique et industrielle. Ce Conseil est toujours en fonction, sous le nom communément accepté de Conseil national de recherches du Canada. Son activité très diversifiée témoigne de ce fait que, dans la paix aussi bien que dans la guerre, la puissance d'une nation moderne repose, non seulement sur les travaux de quelques esprits brillants, mais sur l'orientation éclairée et l'intégration de toutes ses ressources scientifiques.

53.   Le premier Conseil, sous la direction de M. A.-B. Macallum, exprima son embarras d'avoir entrepris la coordination de la recherche scientifique dans un pays si retardataire en cette matière qu'il n'y avait que fort peu de choses à coordonner. Il n'y avait qu'un petit nombre de laboratoires de recherches et quelques personnes seulement y travaillaient; cinquante hommes de science peut-être, dans tout le Canada, avaient la compétence nécessaire pour procéder à de véritables recherches.

54.   Il fallait donc, tout d'abord, trouver des recrues ayant reçu une formation spéciale. Le Conseil mit en vigueur, sur le champ, le projet de bourses d'études dont nous avons parlé et qui fut probablement le facteur le plus important dans l'ensemble de l'apport du Conseil national de recherches aux travaux scientifiques, au cours de la dernière guerre. Ce projet, néanmoins, serait resté inopérant si le Conseil n'avait pas, en même temps, consacré son attention au problème qui consistait à susciter ou

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perfectionner des écoles spécialisées, seul moyen efficace de retenir au Canada les Canadiens qui s'adonnaient aux travaux de recherche. En 1919, il n'y avait que deux universités, l'université de Toronto et l'université McGill, où les étudiants en sciences pouvaient pousser leurs études au delà de la maîtrise. Au cours des 23 années antérieures, ces universités n'avaient accordé, au total, que onze diplômes dans le domaine de la science pure. La cause principale en était, non pas le manque d'intérêt de la part de ces institutions, mais bien le manque de fonds. Le revenu annuel global de ces deux universités se montait seulement, en ce temps-là, à un million et demi de dollars.

55.   C'est pourquoi le Conseil institua, à côté du régime de bourses, un plan complémentaire destiné à créer les cadres nécessaires aux études spécialisées, grâce à des subventions d'appoint qui permettraient aux universités d'acquérir un équipement de recherche et de fournir aux professeurs consacrés à la recherche toute l'aide dont ils ont besoin. Il est question de ces subventions dans une autre partie du présent Rapport; le montant en a été augmenté avec les années et l'on a fait un sérieux effort pour les répartir d'une manière qui permit aux universités de devenir des centres de recherches bien organisés.

56.   Le Conseil national de recherches distribue également des subventions pour le financement de recherches appliquées, principalement par l'intermédiaire de ses Comités associés. Ces comités furent organisées aussitôt après la fondation du Conseil, afin de coordonner les diverses recherches, surtout celles du domaine de la science appliquée. Tout d'abord, comme le Conseil dont ils émanaient, ils trouvèrent que la matière à coordonner était plutôt maigre. À l'heure actuelle, il existe 29 comités qui fonctionnent dans des sphères aussi variées que l'aéronautique, la corrosion, la conservation des denrées alimentaires, la géophysique, les unités électriques et le caoutchouc synthétique. Ils dépensent annuellement $400,000, travaillant surtout avec les organismes qui s'occupent avant tout de recherches appliquées, mais exerçant, en même temps, une influence considérable sur les universités, vu que nombre de recherches d'ordre mineur, essentielles toutefois à la solution de grands problèmes, sont conduites sous la direction de professeurs d'universités.

57.   Un dernier aspect du travail du Conseil national de recherches présente, à notre avis, un intérêt particulier par les relations qu'il peut avoir avec certains sujets de notre enquête. Il s'agit de la Division de l'information du Conseil et de ses travaux de liaison générale avec tous les autres organismes de recherches, officiels, privés ou industriels. Le noyau de cette division est l'excellente bibliothèque du Conseil qui possède des services généraux de renseignements et de bibliographie. La Division de l'information est également chargée de la publication de centaines d'articles scientifiques et de six journaux de recherches spécialisés. Elle établit des

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contacts avec les savants résidant à l'étranger, par l'intermédiaire des bureaux de Londres et de Washington du Conseil et par d'autres moyens. Enfin, grâce à son Service d'information technique, elle maintient un personnel itinérant de treize membres, qui ont pour fonctions de visiter les établissements industriels de rang modeste, de leur expliquer le fonctionnement du Conseil et de susciter des demandes de renseignements d'ordre technique dont le nombre peut s'élever à 4,000 par an.

LES UNIVERSITÉS ET LA RECHERCHE FONDAMENTALE

58.   Dans les pages précédentes, alors que nous passions en revue le travail des diverses institutions et plus particulièrement celui du Conseil national de recherches, nous avons mentionné les universités à maintes reprises. Au Canada, la recherche fondamentale est centralisée dans les universités; et c'est justifiable. Les universités ont été les premiers centres de recherche fondamentale et d'enseignement scientifique du pays; elles restent les plus importants. L'université de Dalhousie offrait des cours de sciences en 1854, et McGill donnait, dès 1857, un cours de chimie. Bien qu'au 19e siècle, on n'y fit que peu de recherches, l'intérêt pour les travaux de ce genre n'a cessé de croître pendant toute la première moitié du 20e siècle. Comme nous venons de le constater, c'est surtout par des bourses d'études et les ressources mises à la disposition des universités que le Conseil national de recherches a contribué de façon remarquable à l'expansion des travaux scientifiques au Canada, et a facilité la collaboration et l'échange utile de vues parmi tous les spécialistes qui se consacrent à la recherche. Une telle constatation ne diminue en rien le prestige du Conseil lui-même, puisque la majorité de ses membres ont été (et sont toujours, d'ailleurs) recrutés parmi le corps enseignant de nos universités.

59.   Bien que les universités entreprennent aussi des travaux de recherche de base et appliquée, elles préfèrent se consacrer principalement à la recherche pure ou fondamentale. On s'accorde à reconnaître que c'est là que réside leur véritable rôle et que la recherche fondamentale devrait être, dans une large mesure, leur apanage. Car c'est dans leur enceinte qu'on s'attend à voir fleurir la recherche pure; c'est entre leurs murs qu'on trouve la tradition d'études menées pour de seules raisons de satisfaction intellectuelle; c'est chez elles que les découvertes nouvelles jaillissent, spontanément et naturellement, du vieil arbre de la connaissance. Les universités du temps jadis s'enorgueillissaient d'offrir à l'homme d'étude le don précieux d'une liberté totale dans le choix du chemin qu'il entendait suivre, sans se préoccuper du côté pratique de ses études. Les laboratoires de l'État, en dépit de tous leurs avantages, ne peuvent recréer cette atmosphère bien particulière.

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60.   Les universités, pour une autre raison encore, devraient être les centres essentiels de la recherche fondamentale. Elles sont, nous a-t-on rappelé, le terrain de formation de tous ceux qui se vouent à la recherche scientifique de tout ordre, la recherche pure, de base ou appliquée, et de tous ceux qui veulent s'adonner aux professions scientifiques. Or, la valeur d'un diplômé est fonction de la qualité des travaux de recherche accomplis dans l'établissement d'enseignement; d'abord, parce qu'une université que la recherche n'intéresserait guère ne pourrait s'assurer du concours des meilleurs professeurs; ensuite, parce que ce sont les meilleurs professeurs qui attirent les meilleurs étudiants; enfin, tout professeur qui ne s'adonne pas, dans quelque mesure, à la recherche scientifique, ne sera pas capable de transmettre à ses étudiants l'intelligence complète des choses et l'enthousiasme agissant, deux choses aussi indispensables à la formation de l'homme de science qu'à celle de l'érudit en quelque domaine que ce soit. Dans les rapports que nous ont soumis les hommes de science, nous avons constaté une unanimité frappante de vues sur l'importance du lien qui doit unir enseignement et recherche fondamentale.

61.   Mais cette recherche, de par sa nature même, ne saurait couvrir les frais qu'elle occasionne. Elle a toujours dépendu de la générosité d'un mécène. L'opinion s'attend que ce rôle soit tenu, selon la tradition, par les universités elles-mêmes, aidées parfois, toujours suivant la tradition, par les dotations de particuliers. Cependant, les universités sont devenues relativement plus pauvres qu'autrefois et les riches donateurs, de plus en plus rares. Le gouvernement fédéral a, pendant longtemps, patronné la recherche fondamentale mais, naturellement, sans se montrer par trop prodigue. Et la qualité et la quantité des recherches scientifiques, au Canada, se ressentent du dénuement de nos universités.

62.   En premier lieu, les traitements universitaires sont trop bas pour tenter la plupart de nos meilleurs spécialistes. Nous avons déjà noté que les traitements des écoles professionnelles et des écoles de science appliquée sont plus élevés que ceux des collèges d'arts libéraux. Mais ils sont encore inférieurs aux rémunérations reçues dans l'industrie ou dans les professions ordinaires. Ils sont plus modestes, même, que les traitements des laboratoires gouvernementaux, qui offrent, en plus, toute la diversité et toute la supériorité de bons moyens matériels de recherche.

63.   Ce dernier facteur est de grande importance. Car on peut dire, sans crainte de démenti, que c'est moins l'argent que l'existence de conditions de travail convenables, qui influera avant tout sur la décision du véritable savant; et les universités éprouvent des difficultés de plus en plus grandes à fournir le matériel, les services et même le temps nécessaires aux travaux de recherches. Pour les sciences comme pour le reste, on se plaint partout du fardeau écrasant des fonctions relevant à la fois de l'enseignement et de l'administration, fardeau qui ne laisse ni temps ni énergie à consacrer

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aux travaux essentiels. Ces obstacles ne sont peut-être pas si graves que dans le domaine des humanités et des sciences sociales ; mais ils n'en représentent pas moins un désavantage marqué.

64.   Les conditions que nous venons de décrire ont provoqué, dans les nombreux établissements d'enseignement, le départ d'une grande proportion d'hommes de science qui auraient aimé accomplir leurs travaux dans l'atmosphère naturellement favorable des universités. La perte la plus grave est celle de jeunes savants qui, lors du choix d'une carrière, doivent prendre en considération leurs ressources matérielles immédiates. Pour reprendre l'expression d'un universitaire chargé d'importantes responsabilités administratives : un ancien peut toujours être remplacé par un jeune ; mais la perte d'un jeune homme d'avenir est une perte irréparable. Le défaut d'hommes de premier ordre abaisse la qualité des travaux de recherche; il peut également détourner certains étudiants bien doués du domaine des études supérieures et les diriger vers d'autres disciplines intellectuelles; de toute façon, la qualité de leur formation en souffrira, ce qui aura un effet pernicieux sur les futurs générations d'hommes de science canadiens.

65.   On nous a signalé un autre fait dont nous avons, d'ailleurs, déjà parlé à propos des humanités et des sciences sociales. La pénurie de fonds et la tendance générale à exiger des résultats rapides et évidents se conjuguent pour exercer un effet désastreux sur les recherches scientifiques. Des hommes capables et formés aux disciplines que demandent les recherches spécialisées sont forcés parfois de donner un temps précieux, dans les laboratoires de l'État, à de simples travaux expérimentaux de routine, de démonstration et de popularisation. Ces travaux sont, sans doute, essentiels, mais ils pourraient aussi bien être accomplis par d'autres. Des maisons commerciales et même des organismes de l'État offrent des subventions pour des recherches appliquées qui ne peuvent élargir en rien la connaissance scientifique. Il arrive même que des bienfaiteurs privés, qui financent les recherches, exigent que tout projet de recherche soit soumis à leur approbation préalable. Les universités s'accordent généralement avec les savants eux-mêmes pour écarter avec fermeté les subventions de ce genre; il peut être difficile cependant d'expliquer la raison de ces refus. Nous avons noté dans un chapitre antérieur la tendance à pousser les étudiants vers des spécialisations hâtives auxquelles manquera la base indispensable des humanités, et nous tenons à noter ici que le représentant d'une école importante de science appliquée nous a décrit les effets déplorables d'une telle pratique.

             Nature et qualité des travaux scientifiques au Canada.

66.   Nous avons accueilli avec beaucoup d'attention tous les renseignements relatifs aux travaux scientifiques accomplis au Canada qui touchaient à l'objet de notre enquête, mais nous nous sommes particulièrement inté-

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ressés à recueillir des avis sur la valeur durable de l'apport général du Canada, dans ces secteurs spéciaux de recherche intellectuelle qui attirent un si grand nombre des meilleurs esprits de notre époque. Nous croyons répondre aux vï¿œux de ceux qui ont bien voulu nous faire connaître leur opinion en soumettant ici ces opinions aux fins d'examen et de discussion.

67.   Les hommes de science canadiens ont accompli des travaux remarquables dans presque tous les domaines de la science. Les laboratoires de physique de l'université de Toronto et de l'université McGill, ainsi que la Faculté des sciences de l'université Laval, jouissent depuis longtemps d'une réputation mondiale. Dans certains centres universitaires plus récents, nous dit-on, on procède à des travaux qui égalent les réalisations d'hier et qui pourront même les dépasser. Dans le domaine de la biologie, nous pourrions citer un certain nombre de Canadiens dont la renommée s'étend au-delà de nos frontières. Dans celui de la recherche médicale, des travaux de recherche endocrinologique ont donné, à notre pays, son unique prix Nobel. Le Service de recherche médicale Banting et Best de l'université de Toronto, l'Institut de médecine et de chirurgie expérimentale de l'université de Montréal et l'Institut neurologique de McGill à Montréal sont connus dans le monde entier.

68.   Cependant, le Canada, non seulement imite l'exemple des États-Unis en se faisant tributaire d'autres pays pour son bagage d'idées fondamentales, mais il fait venir en outre un grand nombre de savants éminents de l'étranger. Sans doute, l'échange de savants et de concepts scientifiques est-il une chose bonne en soi; mais l'exportation de jeunes spécialistes d'avenir et l'importation de savants reconnus devient peut-être chez nous d'un usage trop constant. De plus, on peut dire que les réussites individuelles, — quelque brillantes qu'elles soient, — ne remplaceront jamais la pratique générale d'un travail assidu et régulier. Ainsi, bien que des travaux distingués de chimie aient été accomplis au Canada dans des domaines divers, on nous dit qu'aucune de nos écoles supérieures de chimie ne pourrait probablement être comptée parmi les dix premières du continent américain. Et dans l'important domaine des mathématiques, nous apprend-on, en dépit de progrès récents, le Canada retarde de beaucoup sur des pays plus petits et plus pauvres.

69.   La recherche médicale au Canada, nous a-t-on rapporté, peut être située en général à un niveau dépassant de beaucoup celui des recherches relevant de la physique et de la biologie. Cela peut s'expliquer, du moins en partie, par l'intérêt que porte l'opinion publique à tout projet de recherche médicale qui semble gros de promesses et par l'afflux de capitaux qui s'ensuit généralement. Les jeunes spécialistes en recherche médicale qui possèdent quelque talent ne sont donc pas fortement tentés, comme leurs collègues d'autres domaines scientifiques, de s'expatrier. Ils jouissent, en règle générale, de moyens convenables pour leur formation et leurs

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travaux ultérieurs; c'est avec une relative facilité qu'ils trouvent des emplois universitaires leur laissant des loisirs suffisants pour leurs travaux de recherche. Des résultats honorables ont également été obtenus en physique, en chimie et en biologie, malgré des conditions plus difficiles.

      Le problème de la coordination des recherches scientifiques.

70.   Tout le monde semble s'accorder à reconnaître que les travaux scientifiques ont fait l'objet, au Canada, d'un développement remarquable au cours de la dernière génération; que les savants canadiens ont atteint dans divers domaines des résultats dignes de louange, mais que, si notre pays veut rivaliser avec les réalisations scientifiques de nations occidentales même moins considérables, il devra trouver des solutions aux problèmes que posent un essor rapide, la tentation inhérente à la période troublée où nous vivons de prendre de périlleux raccourcis, et l'engouement général pour les applications d'ordre pratique.

71.   Les autorités compétentes n'ont pu arriver à un accord parfait en ce qui concerne une question importante qui nous a été signalée, celle d'une plus complète coordination de toutes les recherches scientifiques au Canada. Nous avons examiné le travail qu'accomplit le Conseil national de recherches en vue d'encourager et de coordonner les efforts réalisés dans les divers domaines de la science et chez tous les organismes de recherche, par l'intermédiaire de comités bénévoles. Mais, vu l'accroissement rapide des sommes consacrées à la recherche dans un nombre toujours plus grand de services de l'État, le besoin s'impose d'une autorité de surveillance qui assurerait la collaboration et permettrait d'éviter le gaspillage dû au double emploi.

72.   Le Comité du Conseil privé pour la recherche scientifique et industrielle jouera désormais, en quelque sorte le rôle d'un tel organisme. Son président occupe, par rapport à toutes les recherches scientifiques de l'État, une position officieuse comparable à celle du lord-président du Conseil en Grande-Bretagne, lequel exerce une surveillance d'ensemble sur les recherches de l'État dans son pays. Ce Comité se bornait jadis à passer annuellement en revue les prévisions budgétaires du Conseil national de recherches. Aujourd'hui, il est appelé à examiner toutes les prévisions et tous les projets d'ordre scientifique des divers services de l'État. Une autre création récente est celle du Groupe scientifique consultatif attaché au Comité du Conseil privé. Ce groupe se compose du président du Conseil de recherches pour la défense, du sous-ministre (ou d'un homme de science occupant un haut poste administratif) représentant chaque ministère qui possède des laboratoires, d'un délégué du ministère des Finances et du président du Conseil national de recherches qui préside. Le Groupe offre des avis au Comité du Conseil privé sur la ligne de conduite générale à tenir, sans entrer dans

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le détail. Ses membres ont visité tous les centres de recherches d'Ottawa, ce qui aboutit, nous dit-on, à la formation « d'un groupe administratif d'hommes de science qui sont bien au courant des travaux accomplis dans tous les laboratoires de ce genre » (22) .

73.   D'aucuns estiment que le temps est venu de faire davantage. Ils soulignent ce fait que le Groupe consultatif ne peut offrir que des avis fragmentaires et d'un caractère limité, alors que le besoin se fait sentir d'un organisme pouvant donner des avis sur la politique à suivre dans les domaines les plus variés de la science, ainsi que d'un arbitre impartial capable de concilier les intérêts en conflit. Certains indiquent qu'on a reconnu l'existence d'un tel besoin depuis une génération et ils rappellent que c'est afin d'y pourvoir que l'on créa le Conseil national de recherches. Le Conseil n'a pu remplir cette mission pendant des années pour des raisons diverses; et les services de l'État s'intéressant aux recherches scientifiques (Agriculture, Pêcheries, Mines et Défense) ont étendu peu à peu leurs propres laboratoires. Plus tard, l'attention du Conseil fut absorbée, d'une façon croissante, par ses laboratoires à lui . « ... Tout cela eut pour résultat de restreindre les responsabilités du Conseil, à l'égard de la science canadienne, à des limites bien plus étroites qu'on n'avait d'abord prévu » (23).

74.   Certaines personnes demandent que le Conseil de recherches soit dégagé de toutes ses fonctions purement administratives vis-à-vis des laboratoires relevant de son autorité et qu'il soit rendu à ses fonctions primitives d'organisme consultatif. De l'avis général, les recherches appliquées peuvent et doivent rester décentralisées. D'autre part, on estime qu'il conviendrait, au premier chef, qu'un organisme responsable (le Conseil national de recherches, par exemple) soit chargé d'émettre des avis sur un programme d'ensemble, de centraliser les intérêts du gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche fondamentale et de base et de maintenir des relations étroites avec les institutions provinciales et industrielles de recherches. Un organisme de ce genre veillerait tout particulièrement au maintien et à l'extension de l'aide que le gouvernement fédéral accorde aux universités pour leurs recherches fondamentales.

75.   Nous avons entendu les opinions les plus variées en ce qui concerne les défauts et les mérites de ce projet de centralisation et d'autres projets semblables. On reconnaissait en général l'urgence d'une collaboration étroite et d'un échange d'information étendu, ainsi que la nécessité d'éviter le gaspillage causé par les doubles emplois. Cependant on craint que la réforme projetée du Conseil national de recherches, en rendant celui-ci — impuissant et tiraillé entre les organismes administratifs qui disposent des budgets et les gouvernements qui votent les crédits », (24), ne lui donne même pas les fonctions consultatives du Groupe scientifique déjà existant sans le doter par ailleurs des pouvoirs dont il aurait besoin. On craint aussi un danger d'intervention indue dans les ministères fédéraux en jeu;

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de plus, il semble peu probable qu'on puisse obtenir, pour la coordination de tous les services de recherches, un système meilleur que celui qui est actuellement en vigueur et qui fonctionne grâce à un réseau complexe mais efficace de comités s'engrenant les uns dans les autres. N'exagère-t-on pas les dangers du double emploi, se demandent certains? Des efforts concertés et parallèles tendant au même but ne peuvent-ils pas, au contraire, être fort utiles? « Quand deux caddies cherchent la même balle de golf, nul ne songe à parler de double emploi » (25).

76.   Nous sommes frappés par la complexité et l'importance de ce problème, et nous tenons à exprimer notre gratitude à ceux qui nous ont soumis des commentaires nombreux et utiles. Nous avons reçu un certain nombre de propositions précises au sujet desquelles tout le monde semble être d'accord. Par exemple, puisque tout travail scientifique repose sur la recherche fondamentale, puisque cette recherche prend place, surtout et à bon droit, dans les universités; et puisque les universités se plaignent des empêchements qui leur viennent d'une pénurie monétaire croissante, le besoin d'une aide financière immédiate et suffisante aux universités est généralement reconnu. Nous avons examiné cette question ailleurs.

77.   Il importe toutefois de noter ici que les hommes de science qu'on accuse souvent de tendances matérialistes et mécanistes s'accordent à proclamer que l'argent seul ne peut fournir la solution du problème, bien qu'il soit évidemment indispensable. L'argent est nécessaire aux chaires de recherche, aux bourses d'études à tous les niveaux, à l'équipement, à la création de bibliothèques scientifiques, aux publications, aux voyages, et ainsi de suite. Mais tous les avis utiles qui nous ont été présentés révèlent que le besoin essentiel est celui d'une direction brillante et créatrice : inconnue dont on n'a pas encore découvert les éléments constituants. À ce sujet, nous avons souvent entendu évoquer sir Frederick Banting et l'influence que lui et ses disciples exercèrent et exercent toujours dans le domaine tout entier de la médecine canadienne.

78.   On a fortement insisté sur la nécessité, pour les chercheurs, d'avoir des loisirs, l'équipement et l'assistance technique voulus, tout en nous rappelant que ces conditions ne peuvent, par elles-mêmes, amener de résultats.

    « Il importe de se rendre compte que la personnalité est le facteur essentiel dans le domaine de la recherche fondamentale . . . Un savant possédant des dons de premier ordre peut arriver à des résultats considérables avec une mise de fonds très modeste, si l'on ne compte pas ses frais de formation. Mais . . . les résultats de recherches de ce genre ne peuvent être obtenus à coups d'argent. Des sommes considérables accordées pour des recherches médiocres ne produiront rien de définitif, alors que des subventions minimes allant à des savants éminents peuvent provoquer des découvertes qui révolutionneront un domaine scientifique donné  » (26).

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On insiste sur les résultats à longue échéance d'un travail de cette qualité, sur l'esprit des spécialistes. " Nos jeunes ingénieurs et hommes de science n'accomplissent pas même la moitié des exploits exceptionnels dont ils seraient capables ", parce que rien ne les a incités jusqu'ici assez vigoureusement à l'action; c'est l'opinion d'un Canadien éminent et qui connaît sans doute la plupart des jeunes savants de talent qu'on trouve au Canada (27).

79.  La conclusion qui nous est proposée est donc que nous avons un besoin impérieux d'hommes de premier ordre, qui pourraient guider et inspirer les générations montantes de savants par leurs découvertes brillantes et originales. L'avenir de notre science ne dépend pas seulement des libéralités continues des services de l'État, mais encore du nombre et de la qualité des spécialistes que nous pouvons amener à se consacrer à des travaux de recherche. Notre problème essentiel consiste à découvrir et à former des hommes, et à leur assurer des ressources et des avantages qui leur permettent de rendre, à leur pays, tous les services dont ils sont capables.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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